Texte pour l’exposition Trou noir et rituels familiaux de Stéphanie Roland.

 

Les grands papiers voyagent enroulés.

Elle a soupesé les bleus d’architecte lestés de bois et d’ammoniac. Se tournant vers la lumière, elle projeta son regard dans le tube, au travers des coupes et des élévations. En tirant, en tapant le rouleau, les laminages semblaient vouloir se dilater un peu, hors foyer.

L’espace se déploie dans les piles de pages télescopées les unes autour des autres. S’additionnant, les impressions appellent un grand vide, d’un bleu d’encre. Un bleu saturé, sans échelles ni repères. Un monde pourtant jalonné de cartouches, de légendes et de raccordements de tubes, emboutis dans toutes les directions.

Le temps qu’il faut, les vues en plans ont séjourné dans l’espace, bavant dans les marges. Le bleu profond s’est installé à demeure dans l’atelier, comme un postulat d’infini entre les murs. Demain et les autres jours, elle pourrait dérouler ce bleu-là et peut-être en fouler les feuillets, creuser latéralement. L’installation va s’installer dans la poussière. Les miroirs des télescopes vont se retourner et les cartes montrer leur épaisseur. Le temps pourrait lui aussi ne plus savoir encadrer la suite des choses.

Les architectes du ciel se partagent l’infini. Juste en retrait des bornes plantées dans le monde, c’est quelque part en eux qu’ils prennent appui pour trianguler les perspectives, se les relayant et les retournant sur elles-mêmes. Pour seul uniforme, ils arborent des bleus aux genoux, aux coudes, puis les portent dans la tête. Comme les sceaux de ceux qui cherchent au loin et qui défont les sceaux.

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