Avec le projet Matière noire, l’artiste Martin Désilets a entrepris la quête folle de photographier l’ensemble de l’art moderne et contemporain afin de le réunir dans une même œuvre. Depuis 2017, l’artiste s’est imposé un protocole rigoureux : il photographie systématiquement toutes les œuvres visuelles des musées et fondations qu’il visite. Il agit alors comme un grand nombre de visiteurs·euses qui posent également leur regard sur l’art à travers la lentille de leur appareil.

Désilets réduit ensuite l’opacité de ses photographies au maximum, puis les superpose au sein d’un même fichier numérique, par groupe de 100, pour créer ce qu’il appelle des « états ». Alors que s’accumulent les photographies, les nuances et les tons de gris se multiplient, l’artiste visant à obtenir éventuellement un monochrome noir. Chaque état marque une étape dans un long processus continu de sédimentation photographique.

Au moyen de cette dilution progressive de l’image, Désilets évoque nos limites perceptuelles et cognitives de même que le regard qui, confronté à la surabondance, s’épuise et s’érode. Dans un monde visuellement bruyant, les états du projet Matière noire offrent, paradoxalement, un silence : ce sont des images en suspension, des espaces liminaux, qui nous maintiennent dans l’incapacité de mettre en mots ou d’appréhender clairement la totalité des productions artistiques. Ainsi, par leur intangibilité, leur impossible finitude et fixité, ces œuvres sont, tout comme l’histoire de l’art, en constant devenir.

 

Image ci-haut : 2. Matière noire, états 13, 19 et 16, vue partielle de l’exposition Les tableaux réunis au Musée d'art de Joliette, 2021.

 

Matière noire, état 5, 2018, impression à jet d’encre sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta montée sur aluminium, 84 x 127 cm. Collection: Geste Paris. Cette œuvre est composée de la superposition de cinq cents images-œuvres.

 

 

Matière noire, état 14, 2018, impression à jet d’encre sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta montée sur aluminium, 84 x 127 cm. Cette œuvre est composée de la superposition de mille quatre cents images-œuvres.

 

 

Matière noire, état 17, 2018, impression à jet d’encre sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta montée sur aluminium, 84 x 127 cm. Collection: ville de Longueuil. Cette œuvre est composée de la superposition de mille sept cents images-œuvres.

 

 

Matière noire, état 19, 2019, impression à jet d’encre sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta montée sur aluminium, 84 x 127 cm. Collection: Photo Élysée (Lausanne). Cette œuvre est composée de la superposition de mille neuf cents images-œuvres.

 

 

Matière noire, état 49, 2023, impression à jet d’encre sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta montée sur aluminium, 84 x 127 cm. Cette œuvre est composée de la superposition de quatre mille neuf cents images-œuvres.


 

 


  1. Matière noire, état 50, 2023, impression à jet d’encre sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta montée sur aluminium, 84 x 127 cm. Cette œuvre est composée de la superposition de cinq mille images-œuvres.

 

 

Matière noire, état 66, 2022, impression à jet d’encre sur papier Hahnemühle Photo Rag Baryta montée sur aluminium, 84 x 127 cm.  Collection: Photo Élysée (Lausanne). Cette œuvre est composée de la superposition de six mille six cents images-œuvres.

 

 

  1. Matière noire, états 13 et 19, vue partielle de l’exposition Les tableaux réunis au Musée d’art de Joliette, 2021. Photo : Romain Guilbault.

 

 

Vue partielle de l’exposition Slowly Arriving au Kunsthaus Baselland, 2021. De gauche à droite : Martin Désilets, Matière noire, états 6 (2018), 18, 22 (2019) et La danse macabre — les fragments restants, les fragments perdus, d’après Le paysan (2021).

 

 

As part of the Matière noire project, artist Martin Désilets has embarked on a winding quest to photograph the whole of modern and contemporary art in order to assemble it into a single piece. Since 2017, the artist has adopted a strict protocol: consistently, he photographs each work of visual art in the museums and foundations he visits. He acts, in turn, as many visitors do, viewing the art through the camera lens.

Désilets then maximally reduces the opacity of his images, overlaying them within the same digital file, in groups of one hundred, to create what he calls “states.” The photographs amass, the hues and tonal grays multiply, the artist aiming to eventually achieve monochromatic black. Each state marks a step in this long ongoing process of photographic sedimentation.

Through this gradual dilution of the image, Désilets evokes our cognitive and perceptual limits along with the gaze which, when confronted to overabundance, erodes and tires. In a visually raucous world, the states of the Matière noire project offer a paradoxical silence: they are halted images, liminal spaces, that maintain our incapacity of putting into words or clearly apprehending the totality of artworks. Thus, by their intangibility, their impossible finiteness and fixity, these works are, as art history is, in constant becoming.

 

 

 

 

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