Texte : Carl Bergamini / Images : Jason Hendrickson
(Traduction en français du texte plus bas)
On Camp Grounds
While temporary shelters have long been associated with military operations and human migration, the practice of camping as a recreational activity is relatively new. It became popular in the late 1800s as North American cities grew exponentially and the frontier landscapes were conquered and inhabited.
Historically, temporary frontier settlements and military encampments were places where men developed bonds with other men, whether by choice or out of necessity. With few women present, campsites blurred gendered roles and responsibilities, becoming places for male intimacy and sometimes sexual encounters. In an essay on the Civilian Conservation Corps (1933–42), Colin Johnson observes that the camp experience also fostered a “camp” aesthetic. All-male work camps created an artificial setting for young men to come of age free from the norms and societal pressures of their hometowns. The camp life chronicled in CCC newsletters featured drag performances, all-male beauty contests, athletic performances, and womanless weddings—opportunities to explore and perform gender expression.
Campgrounds geared explicitly towards the LGBTQ communities are a recent phenomenon. The earliest intentional communities in Tennessee and Oregon date back to the mid- to late 1970s; these retreats were locations that challenged patriarchy, upending constraints associated with the dominant heterosexual culture. The gay campground in its contemporary form emerged around 1980. The clothing-optional venues typically provide rustic accommodations and recreational features such as swimming pools and social halls for dances and performances. Almost every one of these resorts has a dedicated area or structure for gay sex or cruising. Domaine la Fierté, located in the Lanaudière region of Québec, is one such campground.
By recovering narratives otherwise targeted for erasure, queer spaces derive their poignancy and power by what happens in them—whether that means reclaiming the streets or creating venues for bodies to enjoy each other. Campgrounds clear space for something to happen, and camp life is activated by occupying them and performing. This opening provides a safe outlet, set apart from the outside world, where experiences grow, and new stories flourish.
Au sujet des terrains de camping
Si les abris temporaires ont longtemps été associés aux opérations militaires et à la migration humaine, la pratique du camping comme activité récréative est relativement récente. Elle a été popularisée à la fin des années 1800 alors que les villes nord-américaines connaissaient une croissance exponentielle et qu’on s’est mis à conquérir et à habiter de nouveaux territoires.
Historiquement, les établissements pionniers provisoires et les campements de soldats étaient des lieux où les hommes entretenaient des liens entre eux, que ce soit par choix ou par nécessité. Vu l’absence de femmes, les responsabilités et les rôles perdaient, en ces endroits, toute dimension genrée, ce qui favorisait l’intimité et parfois les rapports sexuels. Dans un essai sur le Civilian Conservation Corps (CCC, ou Corps de protection de l’environnement, 1933-1942), Colin Johnson note que l’expérience du camp nourrit aussi une esthétique du « campement ». Les camps au masculin constituaient des milieux construits où les jeunes hommes pouvaient évoluer loin des normes et de la pression sociétale qu’ils subissaient depuis leur naissance. La vie de camp telle qu’elle a été décrite dans les bulletins du CCC faisait figurer des numéros de travestisme, des concours de beauté masculine, des performances athlétiques et des mariages sans femmes – autant d’occasions d’explorer et de mettre en scène l’expression des genres.
Situées au Tennessee et en Oregon, les premières communautés intentionnelles datent de la dernière moitié des années 1970. Ces retraites remettaient en question le patriarcat et bousculaient la culture hétérosexuelle dominante. Quant aux terrains de camping se destinant explicitement aux communautés LGBTQ, ils demeurent plutôt nouveaux. L’incarnation contemporaine du camping gai est apparue vers 1980. Ces lieux où le port de vêtements demeure facultatif proposent un hébergement rustique et des installations récréatives, comme des piscines et des salles communautaires où se tiennent des soirées dansantes ou des spectacles. Presque tous ces centres de villégiature incluent une structure ou une zone dédiée à la drague ou aux rapports sexuels. Le Domaine La Fierté, dans la région de Lanaudière, au Québec, est du nombre de ces endroits.
En récupérant un discours qu’on cherchait autrement à gommer, les espaces queers tirent leur force, leur capacité de résonner, de ce qui se passe en leur sein, qu’il s’agisse d’occuper la rue ou de créer des emplacements où les corps peuvent trouver un plaisir mutuel. En ce sens, les terrains de camping gais dégagent une voie pour qu’il s’y produise quelque chose, et la vie y relève de l’occupation et de la performance. Dans cette ouverture, cet exutoire sûr et distinct, des expériences se développent et de nouvelles histoires s’écrivent.