La pellicule argentique est une matière sensible comme peut l’être à sa façon le sol d’un jardin, réagissant à la lumière mais aussi à ce qu’on lui fait vivre et subir. Bien que cette comparaison puisse sembler éloignée, c’est en rapprochant des sujets distincts que Leyla Majeri constitue de nouvelles méthodologies, des façons de faire inspirées par des croisements inédits. Son travail se déploie au fil d’actions posées dans différentes écologies : tantôt dans un jardin de subsistance qu’elle cultive sans irrigation sur une terre agricole asséchée par le soleil et les vents, tantôt au sein d’une communauté d’artistes qui expérimentent ensemble des approches imaginantes de l’image en conjuguant auto-apprentissages et savoir-faire.
De courtes séquences filmiques présentées côte à côte viennent relater des moments distincts qui se rejoignent dans une réflexion traversant l’ensemble des champs d’actions de l’artiste. En plus de rendre visibles des moments partagés, des tissus teints à la main et des scènes de théâtre d’ombre, ses images tournées en 16 mm ont été développées à l’aide de concoctions de plantes médicinales. En adoptant ainsi une approche documentaire de son propre processus de création, l’artiste revendique une réappropriation des pratiques, celles caractérisées moins par l’œuvre matérialisée que par la force de chaque geste posé et son pouvoir de transformation.
L’exposition fait partie de notre programmation Déplier les motifs de nos avenirs, qui propose d’imaginer comment il est possible de se réinventer aujourd’hui, en découpant des morceaux de nos passés et en les reformulant en de possibles futurs.
Silhouettes / ombres : Marion Henry, Corine Dufresne-Deslières, Catherine Lemire, Myriam Rochon et Abby Maxwell.
L’artiste remercie le Conseil des arts du Canada.
Biographie
Leyla Majeri
Leyla Majeri est une artiste vivant à Tiohtià:ke/Mooniyaang (Montréal), dont la pratique navigue entre l’installation sculpturale et l’image animée. Son travail se compose de collages textuels et sonores, de formes revisitées d’archives et de végétaux qu’elle cultive de manière pluviale sur une terre agricole, où elle a aménagé un jardin de subsistance. Avec Harness the Sun (Arprim, Montréal, 2016), elle initie un dialogue entre sa pratique artistique et sa pratique de jardinage, de manière à se réapproprier un espace d’imagination au travers duquel elle conjugue différentes écologies, matérialités, formes de savoir, et modes de résistance – une exploration qu’elle poursuit, entre autres, avec Don’t Blame Us If We Get Playful (Galerie de l’UQAM, 2018), There’s a wasp who penetrates the ladybug (CIRCA, 2019) et Anticipating Hypersea (OPTICA, 2023). Lors de sa résidence au Chantier de L’imprimerie, centre d’artistes (2022) elle a conçu un jardin de plantes cultivées pour le développement d’images, comme point de départ d’une réflexion collective sur les approches alternatives et décoloniales de l’image. Ses projets en cours s’inscrivent dans un long processus de recueillement et d’exploration de savoir-faire, qui incarne, documente et met en relation différentes formes de connaissances, d’(auto) apprentissages, de matérialités et de territoires de pratique. Elle est récipiendaire de la résidence Intersections (2023) de l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM, Optica et le Conseil des arts de Montréal, et ses projets ont été soutenus par le Conseil des arts du Canada et le Conseil des arts et des lettres du Québec.