Texte pour l’exposition Sur la terre comme au ciel de André Barrette et Tristan Fortin Le Breton.
NEW. FREE. SAFE. LITTLE. LIFE. C’est la promesse que font tour à tour les messages de chacune des bannières tirées par des avions et photographiées par André Barrette. Dans le ciel volent les annonces vous proposant un WET-T CONTEST, où il est possible de déguster une BUD LITE pour 1$, même de faire un PONY RIDE en téléphonant au 929-4700. Pour plusieurs d’entre nous, ces messages télégraphiques semblent presque codés, mais ils répondent bien au désir d’avoir une vie simple et peu chère où le divertissement est roi. Barrette trafique le sens des mots photographiés en les accolant à d’autres et présente, de cette façon, un panorama, une série de phrases insolites qui se répondent et dialoguent les unes avec les autres pour créer un deuxième niveau de lecture. Entiché de l’univers populaire, l’artiste construit photographiquement une réflexion sur une technique publicitaire désuète et sur le langage qu’elle emploie.
Face aux photographies de Barrette prend place le travail de Tristan Fortin Le Breton. Dans l’exposition Sur la terre comme au ciel, un dialogue astucieux, établi tant sur le plan visuel que conceptuel entre les deux séries, invite à les regarder d’un même œil. Les paysages en noir et blanc, d’une tranquillité désarmante, sont subtilement rehaussés par divers virages chimiques. Ce traitement confère une unicité à chacun des espaces photographiés. En présentant des paysages semi-urbains, des images d’endroits délaissés, annonciateurs d’une élévation commerciale ou résidentielle, l’artiste nous confronte à la multiplication des espaces vacants que cause l’étalement urbain. Des lieux intermédiaires, sans vocation précise, semblent attendre la convoitise d’un entrepreneur. L’œuvre de Fortin Le Breton génère une réflexion sur le paysage, sur l’utilisation que nous en faisons et sur la valeur que nous lui attribuons. Dans la foulée de la new free safe little life qu’évoque Barrette, Fortin Le Breton témoigne du désir de propriété et de sécurité, et de cet étalement qu’il engendre. Avec son regard perçant sur le déploiement des centres et sur la banlieue, Fortin Le Breton nous propose de jeter un coup d’œil sur la banalité du paysage, ou peut-être, plutôt, sur le paysage de la banalité. Du paysage banal émerge alors une vision unique et intime.