Texte pour l’exposition Antonia’s Garden de Marisa Portolese.
Qu’est-ce que la famille sinon un bouquet de secrets latents, de blessures qui peinent à cicatriser et d’amours que l’on souhaite inconditionnelles? Qu’est-ce que la famille hors de l’image qu’elle tente de projeter au moyen de photographies souriantes et de portraits de groupes soudés? Dans la végétation foisonnante du Jardin d’Antonia, Portolese semble sonder les équivoques de sa famille lointaine. Le travail coloriste de l’artiste exploite la lumière fascinatrice de l’Italie, clarté qui se répand sur des figures où un deuil immine. Leurs visages semblent habités par des souvenirs muets, par une mémoire qui s’ancre dans l’ombre broussailleuse d’un jardin, qui flotte dans les espaces liminaires d’une maison ou dans l’eau cristalline d’une chute rocailleuse. Ces lieux ne recèlent pourtant pas les souvenirs puisqu’en réalité ce sont les individus qui y font vivre la mémoire, intériorisée, puis ressentie à nouveau. Entre l’élégie des visages, la langueur des paysages ou la fragilité des fleurs, un doux vague à l’âme nous emporte dans la houle romantique, dans la narrativité évocatrice du jardin d’Antonia.
Qu’est-ce qu’une mère sinon le premier parfum que l’on a humé, la première peau que l’on a épousée? Qu’est-ce qu’une mère sinon la fusion originelle, suivie aussi de séparations difficiles? Qu’est-ce qu’une mère sinon les toutes premières ambivalences émotionnelles? Autant d’interrogations qui affleurent en sourdine à la surface des œuvres de Portolese. La matrilinéarité rompue autour de laquelle se tissent les liens entre les œuvres, l’artiste en colmate les fissures au moyen d’une poésie visuelle balsamique. Est-ce que l’expression des remords a la capacité de guérir les blessures anciennes? Non pas des réponses, mais des pistes énigmatiques sont tracées dans les tableaux mélancoliques du Jardin d’Antonia.