Éclaireur·ses 21 —Didier Morelli + Dayna Danger

. . . extraordinary stories of negotiation, creativity, and survival trump colonial misconceptions to prove that [First Nations and Métis] women have steadfastly resisted, worked with courage and spirit, struggled to maintain the sacredness of their responsibilities, and challenged the forces that sought to confine them.
—Sherry Farrell Racette, “Nimble Fingers and Strong Backs: First Nations and Métis Women in Fur Trade and Rural Economies”*1

 

The Outlander (2011), a scene staged and photographed by Dayna Danger, is one of high intensity, great drama, and sensuous ecstasy. It is a Bosch-like fantasy world, rich in cultural and spiritual symbolism. On the verge of some great calamity or deliverance, the depicted nighttime forest environment and its motley crew of half-human-half-beast characters wait in suspense, frozen between trepidation and Dionysian festivity, darkness and blinding light, effervescent life and the slow rot of death.

Every time I return to Danger’s “Bad Girls” series, images which reflect on the role of women through art historical tradition, religious iconography, and mythological storytelling, I am struck by the new details I discover. These photographs are rich visual tapestries, epic narratives that give the impression of unfolding differently every time they are studied. Danger has a deep understanding of these landscapes or bondagescapes, not taking for granted their many meanings and contradictions. For the Métis/Saulteaux/Polish two-spirit queer creator from Manitoba, this state of flux, this threshold, this trans-ness is a familiar, embodied, and ancestral reality that they continuously make manifest through photography, video, and performance.

In the series Big’Uns, Danger defies societal gender norms that objectify women, trans, and non-binary individuals by attempting to strip them of their power. At issue are different forms of colonial, capitalistic, and other neo-conservative restrictions and violence. Reclaiming authority over their own sexuality by wearing strap-on animal antlers over their genitals, Danger’s models defy Western hetero-patriarchal paradigms that have, for example, paved the way for residential schools, sexual abuse, and sexualized portrayals of bodies in the media.

In Aapijigogizhawenimin (2021), their most recent portrait of Adrienne, a recurring model, collaborator, and friend, Danger demonstrates detailed beadwork in the shape of a jet-black kinship mask that recalls rich traditions of floral and plant-life motifs in Métis beading practices. Unlike previous projects, which seem oriented towards the outside world, this new photograph speaks of intimacy, interiority, and serving a queer community, its individual stories, and its life cycles. By reclaiming spaces for healing, beauty, self-expression, and strength, Danger challenges the continued suppression of two-spirit Indigenous peoples by settlers, the state, and religion. Practicing refusal, they also denounce the fetishization of two-spiritedness and Indigeneity by so-called white allies. Fiercely portraying and publicly performing identities that have for centuries been repressed, Danger’s work echoes what Joshua Whitehead, a two-spirit Oji-nêhiyaw member of Peguis First Nation (Treaty 1), writes in the introduction to Love after the End: An Anthology of Two-Spirit and Indigiqueer Speculative Fiction: “as we know, we have already survived the apocalypse—this, right here, right now, is a dystopian present. What better way to imagine survivability than to think about how we may flourish into being joyously animated rather than merely alive?”*2

 

 

*1 Sherry Farrell Racette, « Nimble Fingers and Strong Backs: First Nations and Métis Women in Fur Trade and Rural Economies », dans Carol Williams (dir.), Indigenous Women and Work: From Labor to Activism, Champaign, University of Illinois Press, 2012



*2 Joshua Whitehead, « Introduction », dans Joshua Whitehead (dir.), Love after the End: An Anthology of Two-Spirit and Indigiqueer Speculative Fiction, Vancouver, Arsenal Pulp Press, 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… d’extraordinaires histoires de négociation, de créativité et de survie l’emportent sur les conceptions colonialistes erronées, prouvant que les femmes [des Premières Nations et métisses] ont résisté avec fermeté, travaillé avec courage et vitalité, lutté pour préserver le caractère sacré de leurs responsabilités et défier les forces qui cherchaient à les confiner.
—Sherry Farrell Racette, Nimble Fingers and Strong Backs: First Nations and Métis Women in Fur Trade and Rural Economies*1

 

Il se dégage de The Outlander (2011), mis en scène et photographié par Dayna Danger, une grande intensité, une force dramatique et une voluptueuse extase. Les symboles culturels et spirituels abondent dans cet univers fantastique quasi boschien. À la veille d’une calamité ou d’une délivrance, dans un environnement sylvestre de nuit, une faune bigarrée de personnages mi-humains, mi-bêtes attend, haletante, figée entre l’inquiétude et les festivités dionysiaques, l’obscurité et la lumière aveuglante, l’effervescence de la vie et la lente pourriture de la mort.

 

Chaque fois que je revisite « Bad Girls », une série d’images réfléchissant le rôle des femmes à travers la tradition historique en art, l’iconographie religieuse et le récit mythologique, je suis frappé par les nouveaux détails que je découvre. Ces photographies constituent de riches tapisseries, des épopées narratives qui semblent se révéler différemment lorsqu’on les étudie. Danger fait preuve d’une profonde compréhension des environnements relevant du bondage, ne tenant pas leurs multiples significations et contradictions pour acquises. Pour l’artiste métisse-saulteaux-polonaise bispirituelle queer du Manitoba, cet état de fluctuations, ce seuil, cette trans-itude, est une réalité familière, incarnée et ancestrale qu’iel rend sans cesse manifeste par la photographie, la vidéo et la performance.

 

Dans la série « Big’Uns », Danger défie les normes sociétales de genre qui traitent les femmes, les personnes trans et les individus non binaires comme des objets en tentant de les priver de leur pouvoir. Sont mises en cause diverses formes de restrictions et de violence coloniales, capitalistes et néoconservatrices. Se réappropriant leur autorité sur leur propre sexualité en portant des bois d’animaux devant leurs organes génitaux, les modèles de Danger défient les paradigmes hétéro-patriarcaux de l’Occident qui ont, entre autres choses, ouvert la voie aux pensionnats autochtones, aux abus sexuels et à la représentation sexualisée des corps dans les médias.

 

Dans Aapijigogizhawenimin (2021), son plus récent portrait d’Adrienne, une fidèle modèle, collaboratrice et amie, Danger présente un perlage élaboré sous la forme d’un masque fétichiste noir. Il rappelle les riches motifs floraux ou végétaux traditionnels qu’on trouve dans les broderies perlées métisses. À la différence des projets antérieurs, qui semblaient tournés vers le monde extérieur, cette nouvelle photographie traite d’intimité, d’intériorité, du fait d’être au service d’une communauté queer, de ses récits individuels et de ses cycles de vie. En reprenant possession d’espaces de guérison, de beauté, d’expression et de force, Danger dénonce la répression continue des peuples autochtones bispirituels qu’ont exercée les colons, l’État et la religion. Par la pratique du refus, iel dénonce aussi la fétichisation de la bispiritualité et de l’appartenance autochtone qu’affichent de soi-disant alliés blancs. Représentant farouchement des identités qui ont été réprimées pendant des siècles et interprétant celles-ci en public, le travail de Danger fait écho à ce que Joshua Whitehead, membre oji-nêhiyaw bispirituel de la Première Nation de Peguis (Traité no 1), écrit dans l’introduction de Love after the End: An Anthology of Two-Spirit and Indigiqueer Speculative Fiction : « Comme nous le savons, nous avons survécu à l’apocalypse – l’ici, le maintenant, c’est un présent dystopique. Y a-t-il un meilleur moyen d’imaginer la capacité de survie que de concevoir une façon de s’épanouir pour être joyeusement animés plutôt que simplement vivants? »*2

 

*1 Sherry Farrell Racette, « Nimble Fingers and Strong Backs: First Nations and Métis Women in Fur Trade and Rural Economies », dans Carol Williams (dir.), Indigenous Women and Work: From Labor to Activism, Champaign, University of Illinois Press, 2012. Traduction libre..

*2 Joshua Whitehead, « Introduction », dans Joshua Whitehead (dir.), Love after the End: An Anthology of Two-Spirit and Indigiqueer Speculative Fiction, Vancouver, Arsenal Pulp Press, 2020. Traduction libre.
Publié le 24 février 2022
Par VU