Je cherchais une façon de maintenir au sol ce qui est léger. C’est ça qu’il faut faire, par précaution, pour prévenir la disparition de nos âmes, puisqu’il s’agit d’une espèce à protéger.
On peut se séparer de soi-même. Être là, sans y être, de reculons et en retard.
Faire en sorte que l’humain ne coule pas en dehors de l’humain, mais qu’on puisse quand même y transvider des paysages.
On pourrait s’échapper par les craquelures du monde.
Mieux vaut, pour en finir avec les chutes, s’assurer de joindre ce qui a été disjoint.
Si j’arrivais à me tenir, j’éviterais de me répandre à l’extérieur de moi. Je me retiens trop sur le bord de notre époque : j’ai les ongles noirs.
J’ai des racines qui me partent du dos et m’empêchent de courir après les images. Je suis solide comme un roc, si je ne prends pas de respir.
Les absents savent pour la lumière au bout du silence. Ils laissent des traces d’existences muettes, mais je ne me fais pas prendre : on peut aiguiser une lame de fond même en plein désert.
Quelque chose pour qu’une flaque se dévoile. Une fenêtre inattendue dans un mur aveugle et myope.
Le bout des doigts qui s’écartent comme des lèvres pour saisir à pleine bouche ce qu’on contourne d’habitude.
Qu’est-ce qui dégouline de nos yeux et à travers les lignes? Combien de fois, encore, devrai-je trébucher pour me réparer?
J’ai toujours préféré la disparition des choses à leur apparition.
Image ci-haut : Humus, 2001 Extrait de Territoires et paysages métaphysiques, 2001-2014 Tirages argentiques sur papier Ilford Multigrade Format : 50,6 cm x 61 cm et 117 cm x 91,5 cm Collection : MNBAQ
I was searching for a way to keep weightless things down. That’s what you do, if you want to prevent our souls from blowing away. They’re an endangered species.
You can get separated from yourself. You’re there, but not there, half-hearted, running late. Making sure the humanity doesn’t leak out of the human. Making sure you can still pour some landscape back in.
Maybe you can escape through the cracks in the world.
But, to move past collapse, you have to put together what has been taken apart.
If I could help it, I wouldn’t always spill out and spread myself around. Too often, I hold myself back on the precipice of our time: my fingernails are black.
I have roots growing out of my back. They keep me down when I try to run after fleeting images. I’m solid as rock, as long as I hold my breath.
The absent ones know about the light at the end of silence. They leave behind the marks of mute lives. But I’m not fooled: even in the middle of the desert, you can ride a tidal wave.
Something happens, and a puddle shows itself. An unexpected window in a blind and short-sighted wall.
Fingertips part like lips, the open mouth swallows what we usually avoid.
What trickles from our eyes? What seeps through the lines? How many times will I have to stumble before I’m whole again?
I’ve always preferred the disappearance of things to their appearance.