Chih-Chien Wang : un regard épuré
Depuis vingt ans, Chih-Chien Wang scrute d’un regard intensément personnel le monde qui l’entoure au fil d’images dépouillées. Souvent, elles se résument à des représentations d’objets du quotidien aux contours précisément dessinés, cadrés en gros plan, imposant leur présence sur un fond neutre. Autant d’éléments qui s’attachent à la banalité des choses qui balisent l’ordinaire et qui deviennent traces d’un vécu. Il ne s’agit pas ici de mettre au jour une intériorité secrète en matérialisant l’introspection, ni de reconstituer la chronique d’une vie ou de peindre l’autoportrait d’un être à travers ses apparences successives, mais plutôt de recueillir des indices, laissés sur son passage, par les gestes coutumiers de l’individu.
Par cette exploration singulière de la matérialité des choses, exploration reflétant une manière d’être en relation avec le langage silencieux des objets qui marquent un environnement habituel, le monde se révèle et se transforme en constellation de signes, dans laquelle se situe la personne. Cette approche discrète, épurée, dépouillée des faux-semblants de la sentimentalité, relève de la sensibilité, sensibilité qui n’a rien à voir avec un ressenti à fleur de peau qui s’épuiserait sitôt éprouvé, mais renvoie plutôt à une disposition appartenant en propre à l’individu, à un état complexe où se mêlent perception, personnalité et culture.
Cette reconfiguration des reliques du quotidien donne forme au temps et à la durée. Elle condense, d’une part, dans l’instant du regard et de la prise de vues, le passé et le présent, puis recompose, d’autre part, de nouveaux récits en assemblant les images, en les reprenant et les confrontant les unes aux autres. Dès lors, en rendant le passage du temps visible, ces configurations inédites donnent forme à une nouvelle réalité, cette fois intériorisée, rendue palpable. Vivante.
Chih-Chien Wang: The Uncluttered Gaze
Over the past two decades, Chih-Chien Wang has examined the world around him through his own intensely personal lens, giving rise to sparse, uncluttered images. Often these images take the form of precisely outlined close-ups of everyday objects that seem to impose their presence on the neutral background. His approach speaks to the banality of these objects, which delineate the everyday and become vestiges of life lived. Wang doesn’t aim to reveal a secret interiority, or to give introspection a material form, or to reconstruct a chronicle of life, or to paint a self-portrait through a sequence of impressions. Rather, his goal is to simply gather clues he finds on his path, traces of the individual’s ordinary, everyday actions.
Through this singular exploration of things and their materiality—an exploration that reflects the way Wang relates to the silent language of the objects that surround us—the world reveals itself as a constellation of signs within which we happen to find ourselves. This discreet and uncluttered approach is devoid of hollow sentimentality, and evinces a sensitivity that has nothing to do with fragile feelings. Rather, this particular sensitivity stems from a disposition specific to the individual, a complex state where perception, personality, and culture coexist.
Wang’s reconfiguration of the relics of the everyday gives form to time and duration, condensing the past and present in the instantaneity of both the gaze and the taking of the photograph, while also creating narratives by reassembling images into unexpected relationships and arrangements. In making visible the passage of time, these arrangements give form to a new reality, now internalized, palpable, and fully alive.