Éclaireuses 15 —Marie-Andrée Gill + Laurence Hervieux-Gosselin

Texte : Marie-Andrée Gill / Images : Laurence Hervieux-Gosselin
(Traduction anglaise du texte plus bas)

 

La Cité de Marie. La Vierge, oui, mais aussi le prénom le plus générique qui soit, donné au baptême à presque toutes les filles nées au Québec jusqu’aux années 90. Nous sommes toutes des Marie, et le voici notre pays, fait de rêves accessibles et de Noëls en famille.

 

Le spectre visible du capitalisme et du catholicisme est un mariage de lumière et d’une déchéance matérielle bien particulière qu’illustre la série. L’Amérique du Nord, le lieu de tous les possibles, aussi vrais que portant une sorte de désuétude, sous toutes ses facettes, un monde construit avec beaucoup de clabord et de fait main, un mix de matériaux non durables et d’inventivité humaine qui créent ce panorama que je trouve, personnellement, pourtant rassurant. Sûrement car je n’ai connu que ce type d’entourage, de « cité », et je sais qu’elle contient toute une culture, une époque dans laquelle nous sommes nées, qui constitue les Marie, entre autres. La photographie de la vie rurale m’apporte une sorte de paix, de réconfort. Les chaumières baignées de gens et de chaleur dans le temps des fêtes, les pancartes tombées, les événements locaux, les publicités qui annoncent des faits et non des images surfaites.

 

Une série comme celle-là peut sembler toucher au banal, mais c’est justement ce trait de normalité qui m’a piquée qui m’éveille à mon environnement immédiat. Le travail qu’exerce les sujets apparemment ordinaires sur ma sensibilité exacerbe mon regard poétique. Souvent, on part loin pour comprendre le monde, pour chercher la beauté, et pourtant elle est là, au coin de la rue, maganée, rayonnante, et surtout juste.

 

Image ci-haut : Croix blanche, 2016





Bienvenue au Fabuleux Café Royal, 2016

 

 

Cité de Marie, 2016

 

 

Enseigne vide, 2016

 

 

Étable, 2016

 

 

Incubateurs, 2016

 

 

Les néons de la couturière, 2017

 

 

Pleine lune, 2016

 

 

Roulotte, 2016

 

 

Pizza, 2016

 

 

Cité de Marie. The city of the virgin mother, yes, but also one of the most generic names around, given in some configuration to most girls born in Québec up until the 1990s. In some sense, we are all Maries, and this is our rightful place, in Laurence Hervieux-Gosselin’s world of easy dreams and family holidays.

 

This series presents us with a marriage between light and material decay that here takes the form of a spectre: that of capitalism, that of Catholicism, too. North America is a land of possibility, possibility that carries within itself multifaceted obsolescence. Jury-rigged, patched together with clapboard, a mix of cheap materials and ingenuity make for an environment that I, personally, find somehow reassuring—doubtless because it is the sort of environment I’ve always known, one containing an entire culture and era, indeed the one into which we Maries were born. Photographs of rural life bring me feelings of peace and reassurance; modest houses filled with people, warmth, holiday cheer; decrepit signboards, local events, and simple advertisements, totally devoid of flashiness.

 

A series like Cité de Marie might seem to focus on the banal, but it is just this so-called banality that piques my interest, and indeed makes me more aware of my immediate surroundings. These seemingly ordinary subjects deepen my poetic sensibility and perspective on reality. We often travel far afield in order to understand the world, to find beauty, and yet it’s right here, just around the corner, dilapidated, luminous, and—most of all—true to itself.

 

 

 

Marie-Andrée Gill est Pekuakamishkueu (Ilnue du Lac-St-Jean, communauté de Mashteuiatsh,). Autrice, poète, animatrice de balados décolonisants ( Laisser nous raconter : l’histoire crochieLes mots de Joséphine ), elle est aussi étudiante au doctorat en lettres à l’Université du Québec à Chicoutimi. Elle a terminé un mémoire de maitrise portant sur la décolonisation par l’écriture de l’intime et le rapport au territoire ancestral.  Son travail et sa posture artistique lui ont valu le titre de l’artiste de l’année au Saguenay Lac-St-Jean en 2020.  Elle travaille actuellement à faire des résidences d’artistes innus et québécois dans la toundra et aussi dans un ancien presbytère pour continuer sa démarche de décolonisation et de réappropriation.

 

Laurence Hervieux-Gosselin (1991) est une photographe basée à Montréal. Elle a un étudié en scénarisation, en communication et en photographie, et détient un MFA en Art Photography de Syracuse University. Récemment, son travail a été exposé à La Castiglione (Montréal), à Uqbar (Berlin) et au China Millenium Monument (Beijing).

Publié le 27 mai 2021
Par VU