Éclaireuses 23 —Gentiane Bélanger + Lucie Lefebvre

Le bourbier généreux

 

Des enchevêtrements de troncs et de branches prennent pied dans une eau turbide et s’y reflètent en un lacis serré, rehaussé par des interventions picturales. Les photographies de Lucie Lefebvre ne captent pas tant le réel qu’elles le composent. La complexité aléatoire de la nature y devient motif, entrelacs révélé par des masses franches appliquées à la peinture.

Construites, donc, ces images racontent une nature trop longtemps délaissée, maintenue dans l’angle mort du sublime et du pittoresque. Les milieux humides et leurs qualités propres ont mis du temps à faire leur place dans le panthéon artistique, les artistes ayant tardé à s’intéresser à ces environnements. Il aura fallu attendre la pleine éclosion d’approches écosystémiques pour que ces milieux gagnent en signification, le passage d’un paradigme esthétique à une appréciation processuelle de la nature. La représentation des paysages marécageux coïncide ainsi, historiquement, avec l’émergence progressive d’une forme de pensée écologique.

Le regard méditatif de Lucie Lefebvre sonde le bourbier généreux de ces espaces, ceux-ci faisant ici figure de synecdoque de la complexité systémique. Lefebvre s’intéresse à des processus sous-jacents, notamment au rôle que joue la décomposition comme terreau nécessaire à la régénération, et au rapport d’interdépendance qui lie les agents biotiques et abiotiques. Les retouches picturales viennent ponctuer de leurs lignes et de leurs masses le récit qui se déploie dans les séries photographiques de l’artiste, rapprochant les cycles de la nature et nos transformations intérieures.

 

 

 

Losange, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

  1. Le temps passe, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

  1. Robe des bois, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

  1. L’enjambée, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

  1. Vert de gris, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

  1. Rose chagrin, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

  1. Prendre racines, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

  1. Tête folle, 2020-21, 92x61cm (36x24po), composite d’aluminium

 

 

Arbre ébahi, 2021, 127x85cm (50x33po), composite d’aluminium

 

 

A Generous Quagmire

 

A tangle of trunks and branches emerges from the muddy water creating a tight maze of reflections on the glassy surface, visually enhanced after the fact by the artist. As such, Lucie Lefebvre’s artworks do not capture reality; rather, they give form to reality. Here, the seemingly random complexity of nature becomes a leitmotif, expressed via these many intertwined elements accentuated by Lefebvre’s generous swathes of paint.

 

These composite images recount a part of nature too-long neglected, left in the shadows of the sublime and the picturesque. Indeed, it is only recently that wetlands and their unique characteristics have found their place among artistic subjects, and in the arts more generally. These environments gained attention with the advent of ecosystem-based approaches that embody a shift away from an aesthetic paradigm to a process-oriented appreciation of nature. In this sense, the portrayal of wetlands coincides historically with the gradual emergence of a more resolutely ecological way of thinking.

 

Lucie Lefebvre’s meditative gaze probes this generous quagmire, which in a sense is a synecdoche for the complexity of ecosystems. Her approach speaks to underlying processes, in particular the crucial role that decomposition plays in organic regeneration, and the interdependent relations that connect biotic and abiotic agents. The lines and shapes added by Lefebvre after the fact punctuate the narratives weaving through these photographic series, while also creating bridges between the cycles of nature and our own inner transformations.

 

 

 



            
Publié le 28 avril 2022
Par VU