Jessica Auer : La nature sécularisée —un texte de Sylvain Campeau

Texte pour l’exposition Studies on How to View Landscape de Jessica Auer.

 

Depuis ses toutes premières images, Jessica Auer montre un intérêt évident pour la domestication grandissante des sites naturels. Loin de chercher à déconstruire le prestige du paysage et la notion de sublime qui lui semble attachée, elle s’emploie plutôt à traquer les manifestations actuelles de son existence pérenne, grâce à sa conversion en stéréosites, c’est-à-dire en constructions préétabliees, en quelque sorte, préparées depuis les points de vue que l’on aménage pour qu’il soit perçu selon certains angles et sous un jour avantageux. Cela vaut pour une grande part de ses œuvres.

Mais, ici, dans le cas des œuvres photographiques et vidéographiques présentées dans le cadre de Studies on How to View Landscape, la photographe a converti ses préoccupations en une forme de leçon du regard.  Dans chacune des pièces montrées, le paysage forme la toile de fond. En avant-plan, ce sont plutôt les regardeurs qui constituent le point focal de toute l’entreprise. Tels quels, ils apparaissent un rien disruptifs, déplacés. Nous sommes en effet habitués à voir sans humains les images de tels lieux, pour mieux en mesurer la majesté. Car l’expérience du sublime représente la possibilité de toucher à une forme d’idéalité qui transcende la présence humaine et nous rassure sur un certain divin.

Les œuvres vidéographiques vont encore plus loin. En celles-ci, les touristes passent, vont, viennent, se prennent en photo, admirent et s’extasient selon des formes convenues. Notre propre réaction, qui serait sans doute à la mesure des leurs, s’en trouve donc désamorcée. Nous en venons à la conclusion que, devant une telle domestication, le paysage perd en majesté et devient forme patentée.

Publié le 21 août 2013
Par VU