C’est le nom sinistre qu’on donne en anglais à une nuée d’oiseaux noirs : murder, meurtre. Les corneilles et les corbeaux sont ainsi souvent associé·e·s à de mauvais présages ou à la mort. Victimes de leur apparence, ce sont en réalité des êtres sociaux, entre individus et parfois aussi avec les humains. Guillaume Simoneau en a lui-même fait l’expérience dans sa jeunesse, comme en témoignent des photographies prises par sa mère Jeanne-d’Arc Fournier qui le montrent accompagné d’une fratrie de corneilles dont sa famille avait pris soin. Ce regard doux et aimant évoque pour peu les joies de l’innocence quand l’artiste les juxtapose à des scènes d’une attaque violente d’un oiseau de proie envers une corneille. Murder prend ici un sens littéral et brise toute vision romantique de temps passés.
Ce n’est que trente ans après cet épisode de son enfance, en 1982, que l’artiste se rend compte que cette année concorde avec la parution de Ravens, livre iconique du photographe japonais Masahisa Fukase (1934-2012). Cette pensée le mène à aller au Japon faire de nouvelles images qui lui permettent du même coup de créer une rencontre entre les corneilles amies de son enfance et les corbeaux mélancoliques de Fukase, pour leur rendre hommage autant que pour leur faire une certaine violence. Il s’y dégage une tentation de mort, conçue non pas comme une recherche de finalité, mais comme un tournant ou une transformation. Il n’y aura donc aucune conclusion claire, que des recommencements incessants, révélant ainsi plutôt la tragique complexité de ce qui fait la vie.
Cette exposition fait partie de la programmation Devenirs serpents, consacrée à l’observation de ce qui se passe quand nos fragilités s’imposent et qu’elles ouvrent devant nous des voies inattendues. Les artistes sont sensibles à ce qui se trouve au-delà de ce qui est ici et maintenant, et leurs œuvres témoignent d’une veille liée aux possibles devenirs tant des êtres que des images.








