Les chiffres 4, 5, ou 9, observés ici et là
Le corps sans vie d’une paruline à croupion jaune
Une housse usée gonflée par le vent

Chaque petit rien est observé avec l’attention que l’on porte à ce qui est précieux. Il semble que le regard se soit arrêté sur quelque chose qui aurait pu facilement être ignoré. Quand on comprend que les chiffres 4, 5 et 9 sont les jours d’anniversaire d’êtres chers, que la paruline a été trouvée au pied d’une fenêtre par un ami, les petits riens s’animent d’un certain affect. Une relation s’installe entre l’humain, l’objet et ce qui l’entoure.

Guidées sous l’emprise d’intimes fascinations, les collections sont aussi le portrait de celles et ceux qui les composent. Façonnées au fil des années, lors d’errances dans la ville ou suite à de lentes contemplations, elles se forment sous l’œil attentif des artistes qui en font des images. Par le jeu, la nostalgie ou l’empathie, les petits riens sont extirpés de leur banalité ou de disparitions annoncées et accueillis au sein d’un écosystème fabriqué. Leur place trouvée dans une nouvelle famille est ce qui incite à changer notre perspective et à percevoir ce qu’il y a de magique en eux.

 

Image : Gaston Côté, extrait de 08.08.08

 

 

Biographies

Gaston Côté (1964-2022), diplômé en design graphique de l’Université Laval, a fondé, avec Isabelle Drouin, Paquebot design, un studio expérimental. C’est dans cet environnement qu’il a pu cultiver sa passion de l’image et de la typographie qui lui on permit de remporter plusieurs prix et mentions – Type Director Club (New York), Coupe Magazine (Toronto), Grafika, How (États-Unis) et Applied Art (Toronto) – ainsi que des publications dans le Eye Magazine (Royaume-Uni) et le Item (Pays-Bas). Avec Paquebot, cette passion de l’image l’a amené à monter une collection d’ouvrages, objets et autres curiosités, qui s’est avéré une source intarissable d’inspiration. Plusieurs projets d’édition à compte d’auteur en témoignent dont des publications de 2004 à 2012 de la série «Journées particulières», qui souligne la concordance numérale du jour, du mois et de l’année en cours. Il publia aussi, en 2014, «Le millénaire Tome II» une publication de mille pages de calendrier de l’an 1001 à l’an 2000 incluant une œuvre d’art par année. En 2016, il publia le 14 mars, (03.14 16) le nombre pi. avec un million de décimal après le point, incluant anecdotes et statistiques numériques.

 

Mélissa Longpré vit à Montréal et travaille sur différents territoires qu’elle explore au quotidien et au cours de résidences de création. Elle traduit sa relation sensible à la biodiversité et aiguise notre attention au vivant par le biais de la photographie, de l’utilisation de matières organiques comme médium, de l’image imprimée et de la collection de spécimens. La microédition s’insère dans sa pratique comme finalité ou complément aux corpus qu’elle crée; Aux embouchures (2020), fleurs liquides (2022). Elle détient un certificat en Arts plastiques et un baccalauréat en Design graphique de l’UQAM. Son travail a été présenté au Québec dans le cadre d’expositions solo et collectives à Arprim (2022, 2023), à Vaste et Vague (2018, 2019, 2021), au Magasin Général (2019), aux Rencontres de la photographie en Gaspésie (2022) et lors de divers événements sur le livre photographique. En 2022, elle a fait une résidence suivie d’une courte exposition à Prima Ink, à Tromsø en Norvège.

 

Zaynab Mortada est une chercheuse et une artiste visuelle de 29 ans ayant complété des études en histoire, en philosophie et en anthropologie. Son principal médium artistique est la photographie. Dans le cadre de sa formation académique en anthropologie à McGill, elle a réalisé en 2021 son premier court-métrage Jinan x Clay (Eating babies), une ethnographie sensorielle sur la grossesse. Captivée par les récits des autres –humains et non-humains–, elle poursuit son exploration sensible du vécu d’autrui au-delà du cadre académique à travers son travail artistique.

 

Vernissage
12 janvier 2024 17:00 -21:00
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Gaston Côté

Des dates aux chiffres répétés (04.04.04, 05.05.05, et ainsi de suite jusqu’à 12.12.12) ont servi de prétexte pour produire neuf publications sur chacun de ces chiffres. Chaque publication a été lancée à l’occasion d’un événement organisé à la date en question, dans un lieu où la mise en espace était pensée pour mettre en valeur, de façon ludique et créative, le chiffre et la publication. S’étalant ainsi sur neuf années, l’exercice donnait à chaque fois l’occasion de présenter un travail sans contraintes créatives, de se servir des chiffres comme éléments graphiques de base et, finalement, de mettre en valeur toute sorte d’objets, petits et grands, que l’artiste avait amassés au fil des années.

 

Ces œuvres sont présentées grâce à la collaboration d’Isabelle Drouin, avec qui VU a travaillé pour rendre hommage au travail de Gaston Côté, qui nous a quittés en 2022. Depuis la fondation de leur Paquebot design en 1990, Gaston et Isabelle ont été de proches collaborateurs de VU au fil de ces nombreuses années.

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J’ai pensé à toi, Mélissa Longpré

C’est au cours des dix dernières années que Mélissa Longpré a recueilli les corps, plumes et petits ossements de parulines, bruants, étourneaux et autres oiseaux victimes de prédateurs naturels ou de collisions avec des fenêtres. Au hasard de ces événements, des amis de l’artiste la contactent avec des photos de spécimens trouvés et des détails de leur emplacement, accompagnés d’une note : « J’ai pensé à toi ». Signe que la mortalité des oiseaux laisse rarement indifférent, l’artiste voit aussi en eux une forme de memento mori, un rappel de l’inévitabilité de nos propres morts. Elle aborde ainsi leur représentation comme une occasion de leur rendre hommage et de proposer une réflexion sur leur statut, entre être animé et inanimé, spécimen de collection et photographie.

Ce projet a été réalisé grâce au soutien du Conseil des arts du Canada.

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Comme des murmures, Zaynab Mortada  

Avec un regard empreint de tendresse, Zaynab Mortada communique sous forme de chuchotements, en images et en sons, une recherche de sens imbibée dans les textures de l’ordinaire ou du quotidien. Réunissant des scènes du vécu de l’artiste, Comme des murmures engage dans un dialogue silencieux une sélection de photographies et de vidéos captées au cours des dix dernières années. Les images apparaissent telles des traces de ce qui échappe souvent au regard, comme une cartographie de la transformation à la fois subtile, inévitable et banale des lieux, des objets et des gens. En dialogue continu avec ce qui l’entoure, l’artiste porte une attention dévouée à recueillir et documenter les bourdonnements discrets du monde.