« Depuis 2015, je me rend au Honduras, petit pays d’Amérique Centrale d’où est originaire mon épouse, et pays qui vit sous le joug d’une violence urbaine endémique et paralysante. Le taux d’homicide y est trente fois supérieur à celui du canada et 95% des meurtres restent impunis.
Au fil de mes voyages, destinés à des reportages pour les médias, j’ai documenté «l’écosystème de la peur».
Dans une étude de 2010 publiée dans la revue «Frontiers in Ecology and the Environment», deux biologistes notaient que le rayon d’action de grands prédateurs (requins, loups…) étaient bien supérieurs à leurs véritable zone de déplacement. Ils baptisèrent ce phénomène «l’écosystème de la peur», c’est à dire, comment de potentielles proies adaptent leurs comportement dans une large zone où ils se sentent menacés.
En 2014, le concept était repris dans une étude sociologique sur la peur au Honduras. J’ai alors décidé de suivre cette piste pour documenter les constituantes de cet écosystème : omniprésence des gardes de sécurité lourdement armés, chiens dressés pour défendre, voitures comme rempart de protection, médias comme courroie de transmission, ou récit d’agressions recréés en studio.
J’ai préféré documenter les conséquences de la peur plutôt que le résultat de la violence, déjà souvent documentée par les photo-journalistes. J’ai par exemple consacré tout un pan de mon travail aux nouvelles zones sûres : centre-commerciaux au profit des centre-ville abandonnés, parcs publics ceinturés de grillages, et bien sûr les quartiers fermés et surveillés où vit plus d’un tiers de la population. »
Image : San Pedro Sula, Honduras, mars 2015. La nuit j'accompagne les reporters de la presse à scandale de ce qui est alors «la capitale mondiale du meurtre».
Un jeune dealer de 19 ans est arrêté avec de l'herbe et du crack dans ses poches. Les journalistes s'amusent à lui faire peur. Des larmes ça fait de la bonne télé.