Texte : Julien​ St‑Georges Tremblay / Images : David Martineau Lachance
(Traduction du texte en anglais plus bas)

 

À mon premier contact avec les images fixes extraites des vidéos de David Martineau Lachance, elles m’apparaissaient muettes. C’est ainsi que j’ai découvert sa pratique, à partir des détails silencieux de son Ode aux cœurs endormis (2018). Sans le savoir, ma première exploration de son travail avait un angle mort sonore. Encore aujourd’hui, bien que figés, et insonores, ces fragments ne me semblent pas incomplets, et c’est peut-être parce qu’il s’en dégage un sentiment préoccupant qui peut rappeler les photographies de Ralph Eugene Meatyard. Martineau Lachance fait d’ailleurs allusion dans son Ode aux cœurs endormis à un portrait photographique de Meatyard, avec qui il partage une affection palpable pour l’insolite.

 

Un examen plus détaillé de ses vidéos réalisées depuis 2012 me fait voir à quel point ses séquences sont méticuleusement orchestrées en chorégraphies fluides. Un montage précis, mais lent, qui donne une impression déroutante d’engourdissement. La musicalité anime avec puissance l’action, mais aucune parole n’est formulée. Ce mutisme m’apparaît comme un liant dans le recadrage des vidéos selon des conventions photographiques. Les personnages ne semblent pas outrés d’être muets, ils sont lovés au creux des nuances sonores et lumineuses. Si l’on stoppe les vidéos, cet état de communion persiste. La netteté de chaque scène s’amplifie, me rappelant les vitrines de Lee Friedlander dans lesquelles l’Américain capture les agencements incongrus du quotidien. Les plans resserrés de Martineau Lachance aplatissent le familier pour le nimber du calme qui se dépose dans une maison de banlieue ou du vent qui cesse de souffler à la fin d’un rituel païen. Chaque scène est présentée comme un petit moment d’éternité, ce qui permet de contempler l’inquiétante magie qui s’y déploie.

 

Image ci-haut : Ralph Eugene Meatyard, 2018




Au dessus de Beauport, 2016

 

 

Ils cherchent, 2016

 

 

Carmen, 2017

 

 


Ce district, 2016

 

 


Le bourreau, 2017

 

 


La fête , 2018

 

 


Le vent de l'Ouest, 2018

 

 

Face à face, 2018

 

 

 

À titre de candidat à la maîtrise en Histoire de l’art, Julien St-Georges Tremblay s’intéresse aux traces reliant différentes formes éphémères d’art public et leur territoire d’accueil. Également médiateur culturel, il a travaillé pour de nombreux organismes et institutions de Québec. En tant qu’auteur et commissaire indépendant, il souhaite développer des pistes sensibles participantes à la diffusion de l’art actuel.

 

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The first time I saw still images from David Martineau Lachance’s videos, they seemed particularly silent. This is how I discovered his practice, through these mute details from his Ode aux cœurs endormis (2018). Unbeknownst to me, this initial exploration of his work had an auditory blind spot. And still today, despite their static and soundless nature, these fragments seem somehow complete to me, perhaps because of a disquieting air about them that brings to mind the work of Ralph Eugene Meatyard. Indeed, in his Ode aux cœurs endormis, Martineau Lachance alludes to a certain portrait of Meatyard’s, a photographer with whom he clearly shares an affection for the weird.

 

It wasn’t until diving more deeply into Martineau Lachance’s video works of the past decade that I realized how meticulously orchestrated and choreographically graceful they really were. Precise but slow-paced editing gives the overall impression of a numbing confusion. Although no words are spoken, the musicality of the videos powerfully animates the action. For me, this absence of language becomes a common thread throughout the reframings of the videos according to photographic conventions. The characters here aren’t upset at their muteness; rather, they seem to be soothed by the sound and light that surrounds them. And when the videos are over, this state of communion persists. Each scene comes into sharp focus, reminding me of the storefront windows in which the American photographer Lee Friedlander would capture incongruous configurations of everyday life. Martineau Lachance’s close-up shots flatten the familiar, highlighting the tranquility of a suburban home or the wind dying down at the end of a pagan ritual. Each scene is presented as a small fragment of eternity, opening a window through which we can contemplate his disconcerting magic at work.

 

 

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