Un à un, de nombreux commerces de proximité ont fermé leurs portes, affaiblis par les grandes chaînes de magasins et le commerce en ligne. Leurs locaux désormais vacants sont souvent restés en place, avec leurs vitrines vidées, leurs enseignes usées, devenues des marqueurs de temps révolus. On sait trop bien que le cinéma a été remplacé par les films sur demande, que la quincaillerie peinait à accoter la concurrence. Alors que l’on passe souvent près de ces devantures vannées sans leur porter attention, Jasmin Bilodeau nous place face à elles et nous invite à prendre la mesure de ce qu’elles signifient. « Regarde, c’est trop beau », même au passé. 

L’artiste les observe et les photographie ainsi depuis longtemps, sensible à leur disparition tranquille. Les images accumulées au fil du temps sont devenues les canevas d’interventions numériques et de bricolages, qu’il intègre en trompe-l’œil pour nous amener à les interroger dans le détail. Les graffitis rassemblés sur la vitrine d’Électrobec 2000 forment une dissonance de discours tantôt militants, tantôt comiques, se moquant tour à tour de l’idée du progrès qui sécurise tant nos sociétés. Ailleurs, les feuilles d’automne qui envahissent une façade sont fabriquées de toutes pièces comme des guirlandes colorées, nous rappelant notre responsabilité dans la perte de ces lieux aimés, mais aussi notre capacité à célébrer ce qu’il reste d’elles.

Le programme de résidence-exposition de VU a offert une carte blanche à l’artiste pour développer un nouveau projet et y travailler avec l’équipe du centre durant la dernière année. Les œuvres ont été photographiées puis imprimées dans les ateliers de production de VU. 

L’exposition fait partie de notre programmation Points d’appui, qui invite à la création de formes pour résister, pour jouer encore, malgré l’instable et ses mouvements, proposant ainsi des points de fuite qui nous permettent d’approfondir nos visions du monde.