Avez-vous déjà tenté de décrire une exposition à partir du seul souvenir que vous en aviez gardé? De chercher les mots pour restituer les sensations qu’elle avait suscitées? De retrouver l’impression qu’elle avait laissée dans votre esprit? C’est à cette tentative mémorielle que se sont prêtés les auteures et les auteurs qui ont écrit à propos d’expositions présentées dans nos espaces entre l’automne 2013 et l’automne 2014.
Ce sont les diverses tensions émergeant du rapport à l’autre qui ont laissé une trace chez certaines auteures. À partir de la série Snowbirds, Fnoune Taha s’approprie les réflexions artistiques de Mika Goodfriend, en faisant un parallèle entre leurs points de vue respectifs sur la rencontre de leur culture avec une culture dominante. Gentiane La France a pour sa part retenu les tiraillements de liens amoureux entre proximité et éloignement qui sont suggérés dans la série Love and War de Guillaume Simoneau. Une autre tension est évoquée avec justesse par Dominique Sirois-Rouleau, liée à la série de collages de Richard Deschênes : celle entre la matérialité des œuvres et la non-représentation qu’elles contiennent. Son texte truffé de pistes de lecture offre une analyse à la fois minutieuse et concise des enjeux formels de Soustractions.
D’autres textes ont su retenir une réflexion sur la mise en exposition comme acte de résistance. Comme l’envisage Catherine Lebel-Ouellet, les séries photographiques de l’exposition Sur la terre comme au ciel soulèvent la question de la banalisation des messages et des espaces à l’ère de la société de consommation, alors que Philippe Guillaume relève le paradoxe d’un engouement pour le livre photographique manifesté dans l’exposition Constellations à l’heure même où le numérique tend à dématérialiser les deux médiums que sont le livre et la photographie.
Ailleurs, deux textes énoncent finement les réflexions sans nostalgie sur la photographie argentique qu’ont pu éveiller les expositions Contretypes et Croisements. D’une part, Sébastien Hudon se penche sur le travail de réactualisation du photogramme à l’aune du numérique réalisé par Caroline Gagné et François Lamontagne à l’occasion de leur résidence de création, où la rencontre de la glace et de la lumière aura opéré une magie toute photographique. D’autre part, Anne-Marie Proulx offre une comparaison audacieuse entre l’enchaînement aléatoire des lumières colorées qui ont dansé sur les sombres cimaises lors de l’exposition de Yann Pocreau et la danse des aurores boréales balayant l’horizon nordique.