Entre la fin du 19e siècle et la moitié du 20e siècle, l’industrie du tourisme en Nouvelle-Écosse s’est vantée comme une destination des plus romantiques de l’Amérique du Nord, soutenue par le succès du poème Evangeline (1847) pour lequel la province fait figure de décor. Au sein de cette mise-en-scène touristique, la désormais absence fantomatique des acadien·ne·s déporté·e·s en 1755 revient constamment comme une attraction sous-jacente des lieux « à voir » sur un parcours qu’on nommait la Land of Evangeline Route. À l’apogée de cette industrie, un New-Englander bien nanti pouvait faire le trajet Boston–Yarmouth sur le S.S. Evangeline, prendre un train sur la Dominion Atlantic Railway (logotype d’Évangéline) et parcourir la Route en faisant des séjours luxueux à Yarmouth, Kentville, Digby et Halifax, tout en prévoyant du temps pour visiter Grand-Pré. La thématique était résolument évangélinienne et instrumentalisait, voir fétichisait, plusieurs aspects de la culture acadienne – notamment son histoire et ses anciennes coutumes – au bénéfice d’une classe sociale à laquelle peu d’acadien·ne·s appartenaient.
Lors d’une performance-voyage de deux semaines (octobre 2022), l’artiste acadien·ne Rémi Belliveau s’est doté·e de plusieurs actions touristiques trans-temporelles visant la réactivation de la Land of Evangeline Route, dont la prise d’autoportraits sur pellicule noir et blanc à chacun de ses arrêts-vestiges. Ces clichés – reprenant la pose et la tenue d’Évangéline rendues célèbres par le peintre Écossais Thomas Faed – seront la matière première de l’artiste lors de sa résidence dans la chambre noire de VU.
Image : Grand-Pré