La bourse en édition est remise à trois artistes cette année! Virginie Laganière, Steve Leroux et Erika Nimis bénéficient chacun d’une semaine de résidence à VU pour travailler sur leurs projets de livres.
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Image : Érika Nimis, Ж, 2021 (en cours)
Le silence des murs. Unquiet Space
Virginie Laganière
Réalisé à partir documents d’archives déclassifiées, de recherches scientifiques, d’observations sur le terrain, d’entrevues avec des chercheurs et d’une documentation photographique, vidéographique et sonore, Le silence des murs. Unquiet Space explore un bâtiment insolite situé en Suisse : une ancienne centrale nucléaire convertie en entrepôt accueillant les trésors culturels des plus grandes institutions muséales. Dissimulée sous une colline verdoyante, la caverne du réacteur a été définitivement scellée avec du béton à la suite d’un important accident radioactif en 1969. Après avoir été dénucléarisée, les installations modernistes de cette ancienne centrale transformée en dépôt de biens culturels nous convoquent aujourd’hui à un agencement hétérogène d’époques et de temporalités. Y sont abrités des archives, pièces de taxidermie, œuvres d’art, vestiges archéologiques, ethnologiques et géologiques vaudois, bien que certaines pièces proviennent d’origines extérieures à la Suisse.
De cette enquête artistique, des questions relatives au nucléaire rencontrent celles reliées à l’architecture et au patrimoine. En marge de l’histoire officielle liée à la centrale nucléaire de Lucens, nous découvrons des récits qui témoignent de dynamiques invisibles. Ils soulèvent notamment l’idée d’une stratégie nationale d’enfouissement (de déchets radioactifs et, au sens figuré, de secrets nationaux), la fragilité de la lignée humaine, des échelles de temps non humain et l’accumulation d’artéfacts culturels, dont certains sont soupçonnés d’avoir été acquis illégitimement dans le cadre de rapports coloniaux.
Suite à une exposition individuelle présentée du 12 avril au 8 juin 2024 à Occurrence, espace d’art et d’essai contemporains à Montréal, mon intention est de développer une nouvelle itération artistique de ce travail d’enquête en utilisant la forme du livre photographique. Le format du livre m’apparait propice à explorer l’absorption de l’attention et différentes formes de récit par l’image. Prenant appui sur l’immersion photographique à une échelle qui diffère de la modalité d’exposition, une trajectoire d’images évoquera la perte de repères, depuis le sol irradié de la colline à Lucens jusqu’aux espaces intérieurs de l’ancienne centrale nucléaire.
Les lueurs
Steve Leroux
Je fais évoluer, depuis plusieurs d’années, une imagerie qui témoigne de l’environnement dans lequel j’évolue : les lieux que j’habite, les lieux qui m’habite, les promenades, les voyages, les êtres qui me sont chers, mon quotidien… J’accumule ces images, latentes, archivées, oubliées, accrochées au mur, en quête d’un nouveau sens. Ces petites choses, ces rituels de la vie quotidienne, ces moments anodins qui traversent mon regard, accrochent / décrochent mon attention, s’immiscent dans cette traversée, ce continuum d’images. Tout rassembler, circonscrire, donner un sens, créer un sens. Jouer de cette poésie intimiste où se chevauchent des réflexions sur mon rapport à la photographie, au temps, à la création, au travail, à l’enseignement, à la famille, à l’amour… Il y a aussi la lumière, cette matière photographique qui devient sujet, ravive et vivifie l’apparente lourdeur du monde. Et il y a la parentalité qui est présente depuis les débuts de ma pratique; en images ou hors champ. Elle est intimement liée à la création et se traduit dans le regard que je pose sur mon environnement. Un regard sensible, bienveillant, témoin de petits bonheurs et de peines, d’inquiétudes et de doutes. Ce corpus d’images invite à une narrativité éclatée, morcelée que je souhaite assembler sous la forme d’un livre photographique.
Ж
Érika Nimis
Ж (prononcez « jè »), c’est l’initiale du prénom diminutif de la grand-mère paternelle d’Érika Nimis : Женя (Génia), née Євгенія Шкель vers 1921 dans le nord de l’Ukraine, décédée en 1998, sans avoir jamais revu son pays d’origine.
Ce projet qui retrace en images et en mots la mémoire enfouie de Женя a permis à l’artiste de parcourir les pays où sa grand-mère a vécu, en quête de traces visuelles de son existence : la France et la maison familiale dans le village lorrain où elle est restée la plus grande partie de sa vie, l’Allemagne et le hameau de Thuringe où elle a été travailleuse forcée durant la seconde guerre mondiale, et enfin l’Ukraine et le village de Polésie où elle a vu le jour, et où vit toujours une partie de sa famille. Cette famille ukrainienne, Érika Nimis l’a rencontrée pour la première fois en septembre 2021, dans un temps suspendu entre la fin de la crise de la Covid-19 et le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie.
Ce projet tente de « réparer » le déracinement forcé de la grand-mère de l’artiste à l’aide d’images (les siennes, argentiques et numériques, mêlées aux archives familiales, lacunaires, et divers documents) et d’un texte, écrit par ses soins, qui accompagne ces images. L’idée est de réaliser un portrait qui restitue un peu de ce que Женя a vécu, pas forcément fidèle, mais qui respecte les silences de la disparue et la quête de sens de celle qui lui a survécu.