Texte pour l’exposition Anglo Canadian Pulp & Paper Mills Ltd de Mériol Lehmann.
Absorbée, l’âme en pérégrination a souvent tendance à oublier que toute errance est nécessairement conditionnée par les paysages qui l’accueillent. Hors des lieux consacrés d’une mémoire plus consensuelle, trop souvent polis – pour ne pas dire aplanis – par l’histoire officielle et ses institutions, tant de panoramas livrent des pans entiers d’une histoire qui, cachée au creux d’une vallée, accrochée au flan d’une colline, escaladant les parois d’un fjord, arpentant une route de campagne ou la géométrie d’une ville, n’attend que d’y être dénichée.
Je me demande souvent si, individuellement et collectivement, nous cultivons assez l’art particulier qui consiste à traquer cette histoire dans les moindres anfractuosités des lieux qui nous environnent afin d’y trouver la poésie du pays. Qu’on ne se méprenne pas sur mon propos : je n’ai nullement à l’esprit quelque patriotisme simplet ou périmé. Il ne s’agit, au fond, que de vouloir à tout prix étancher une insatiable curiosité pour ce qui, à notre époque, semble trop peu de saison : une poétique du paysage qui cherche en ce dernier l’or du temps. Quel est-il ce trésor duquel semblent se désintéresser tant de contemporains pour lui préférer les mirages virtuels des mondes futurs promis par la technique ? La réponse est si simple : les femmes et les hommes d’hier, d’aujourd’hui et, espérons-le, de demain. Les gens du pays, qui ont habité, habitent et habiteront le territoire en poètes. Tendons donc l’oreille vers leur parole, écoutons les paysages qu’ils façonnent, faisons nôtre leur poésie.