Entre trace et aura —un texte de Gentiane La France

Texte pour l’exposition Entre trace et aura de Martin Guimont, Alphiya Joncas et Audrée Demers-Roberge.

 

Ce surgissement de l’appareil photographique apparaît comme une pulsion, lorsqu’un lieu et un moment, unique entrelacs, émergent dans le cours du vécu perçu. Notamment, lors de cette expérience auratique de la nature, quand le regard se pose sur elle et qu’elle lève les yeux en retour, semblant réclamer de laisser une trace. La nature semble nous étreindre, par sa perceptibilité ; l’horizon lointain aux lignes sinueuses ou bien l’ombre d’une branche dont l’aura, cercle de vapeur, s’avère encline à se laisser aspirer.

Inapprochable, l’entrelacs d’espace et de temps qu’est l’aura benjaminienne se dérobe sans cesse à l’entendement par la richesse de son ambiguïté et par la pluralité de ses définitions. Walter Benjamin a prédit la défection de l’aura, comme si à chaque prise de vue, elle devenait imperceptible dans l’image mécanisée qui tente de la reproduire. Comment garder la trace de l’aura si la reproduction photographique n’en retient à peine qu’une lointaine émanation lumineuse ?

La reproductibilité technique offre le potentiel d’exposer les images, et d’en faire apparaître la proximité, entre elles; entre nous et elles également. Compte tenu de la manière dont les artistes rassemblent les traces de différentes occurrences de la perception auratique – aussi fragmentaires et éloignées soient-elles –, serait-ce dans leur intention que l’aura réapparaît ? L’aura peut alors redevenir perceptible, non pas à la surface des images, mais en émanant de leur rencontre, dans l’espace de jeu qui leur permet d’être ensemble. Ralliées, les photographies, libres de se croiser, de se répéter, de s’interpeller, se prêtent au jeu des artistes, un jeu entre trace et aura.

 

Publié le 5 mai 2017
Par VU

Biographie 

Suite à des études collégiales en photographie et un baccalauréat en histoire de l’art, Gentiane La France a poursuivi des réflexions autour de la photographie dans le cadre d’une maîtrise en études des arts à l’UQAM. Elle enseigne l’histoire de l’art et de la photographie au collégial. En tant que commissaire, elle a été invitée à présenter des artistes québécois lors de deux expositions en Allemagne, en 2009 et en 2015. Habitant la ville de Québec, elle co-anime l’émission de radio L’Aérospatial à CKRL 89,1 consacrée aux arts visuels. Elle a également écrit pour le blogue de VU et pour le magazine Ciel variable.