Texte pour l’exposition Entre trace et aura de Martin Guimont, Alphiya Joncas et Audrée Demers-Roberge.
Ce surgissement de l’appareil photographique apparaît comme une pulsion, lorsqu’un lieu et un moment, unique entrelacs, émergent dans le cours du vécu perçu. Notamment, lors de cette expérience auratique de la nature, quand le regard se pose sur elle et qu’elle lève les yeux en retour, semblant réclamer de laisser une trace. La nature semble nous étreindre, par sa perceptibilité ; l’horizon lointain aux lignes sinueuses ou bien l’ombre d’une branche dont l’aura, cercle de vapeur, s’avère encline à se laisser aspirer.
Inapprochable, l’entrelacs d’espace et de temps qu’est l’aura benjaminienne se dérobe sans cesse à l’entendement par la richesse de son ambiguïté et par la pluralité de ses définitions. Walter Benjamin a prédit la défection de l’aura, comme si à chaque prise de vue, elle devenait imperceptible dans l’image mécanisée qui tente de la reproduire. Comment garder la trace de l’aura si la reproduction photographique n’en retient à peine qu’une lointaine émanation lumineuse ?
La reproductibilité technique offre le potentiel d’exposer les images, et d’en faire apparaître la proximité, entre elles; entre nous et elles également. Compte tenu de la manière dont les artistes rassemblent les traces de différentes occurrences de la perception auratique – aussi fragmentaires et éloignées soient-elles –, serait-ce dans leur intention que l’aura réapparaît ? L’aura peut alors redevenir perceptible, non pas à la surface des images, mais en émanant de leur rencontre, dans l’espace de jeu qui leur permet d’être ensemble. Ralliées, les photographies, libres de se croiser, de se répéter, de s’interpeller, se prêtent au jeu des artistes, un jeu entre trace et aura.