Texte pour l’exposition Mesures célestes de Fiona Annis.
Il y a de ces nuits dont les manifestations visibles se résument au crépuscule et à l’aube émergente. Entre ces deux moments, seules de subtiles tonalités de noir se modulent sans trop de différenciation, obligeant le promeneur à apprivoiser la non-perceptibilité des lieux.
Les photographies de Fiona Annis sont de cette nature, telles des scènes dérobées au regard et suggérant un instant suspendu, sis au milieu d’une lente implosion paysagère. Alors que le centre des images se fait parfois silencieux, les marges, elles, préservent et dévoilent une certaine traçabilité des territoires de captation. Un vide structural semble s’immiscer volontairement dans les compositions. En ce sens, l’aspect énigmatique des espaces représentés actionne simultanément une vision et des souvenirs, catalyse à la fois les mémoires éphémères d’un territoire vécu et l’idéation fugace d’un paysage désiré.
Ailleurs, des mots s’allient à l’obscurité ambiante, comme dans une incitation à l’errance des idées. Des fragments se dévoilent, un à un, sous différentes formes : parcelles d’espaces, de textes, d’objets. On observe ici des paysages en morcellement.
L’approche privilégiée par l’artiste s’éloigne résolument d’une géographie disciplinée ou normée, dont la maîtrise des codes cartographiques constitue la condition d’écriture et de lecture. Se cristallise une topographie paysagère où les absences, voire les silences, incitent à une saisie de l’ensemble par force d’intuitions. Dans tous les cas, l’humilité et la retenue de l’œuvre apaisent le réflexe de bâtir des chronologies précises et d’associer tout déterminisme aux lieux. Elles en suggèrent l’intemporalité ; elles nous convient à la lenteur.