La bourse en édition est remise à trois artistes cette année! Virginie Laganière, Steve Leroux et Erika Nimis bénéficient chacun d’une semaine de résidence à VU pour travailler sur leurs projets de livres.

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Image : Érika Nimis, Ж, 2021 (en cours)

 

 

Virginie Laganière

Nourrie par des processus de recherche et d’enquête sur le terrain, la pratique artistique de Virginie Laganière explore les transformations qui façonnent nos territoires construits, naturels et technologiques, de même que la psyché sociale. De nature anthropologique, son travail se distingue par la construction de récits au confluent des approches documentaires et spéculatives. Les résidences artistiques incarnent un incubateur de création où la photographie, la vidéo et le son opèrent tels des intermédiaires à ses explorations sur des lieux souvent chargés d’histoire et d’enjeux qui résonnent dans l’actualité contemporaine. Marquées par un travail de l’image, des créations sonores et des modules sculpturaux, ses installations protéiformes se distinguent par un déploiement scénographique soigné.

Depuis de nombreuses années, son travail artistique est soutenu par le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada en plus d’être reconnu par le réseau des résidences, galeries, centres d’artistes et musées au Québec et à l’international, notamment en Italie, en Finlande, au Japon, en Espagne, en Belgique, en Suisse, au Mexique et en Chine. Ses recherches individuelles poursuivent un cycle de création sur l’élaboration de récits mineurs rattachés aux espaces modernistes, dont les premières itérations ont été présentées à la Fonderie Darling (2013), au centre d’art contemporain Optica (2018), à Circa art actuel (2020) et à Occurrence (2024) à Montréal. Elles incluent également une collaboration soutenue avec l’artiste Jean-Maxime Dufresne dont les recherches récentes explorent les formes d’échappatoires au Japon (Intervalles, 2019-23 ; La lecture de l’air, 2021-23 et La leçon, 2024) aussi bien que les legs de la modernité dans les environnements alpins en Suisse (La Montagne radieuse, 2021-23 et Résonance grise, 2023). Ensemble, ils seront accueillis au programme de résidence internationale à la Ferme-Asile en Suisse en 2025. Son travail fait partie de collections publiques et privées.

 

Steve Leroux

Après des études en photographie au Cégep de Matane, Steve Leroux obtient un baccalauréat en beaux-arts (photographie) de l’université Concordia. Rapidement impliqué dans le milieu des centres d’artistes à Montréal et les environs, il acquiert une expérience enrichissante autant comme artiste que travailleur culturel. Son travail a été présenté dans plusieurs lieux de diffusion au Québec et ailleurs. Boursier du Conseil des arts et des lettres du Québec à plusieurs reprises, il réalise également, depuis 2008, des projets d’intégration d’oeuvres d’art à l’architecture. Installé dans le Bas-Saint-Laurent depuis une vingtaine d’années, il a contribué la mise en oeuvre du Centre d’artistes Caravansérail, et enseigne les arts au Cégep Rimouski depuis 2006. 

 

Érika Nimis

Photographe et historienne de formation, Érika Nimis développe depuis le milieu des années 1990 une pratique à mi-chemin entre le documentaire et l’essai poétique. Elle s’intéresse aux traces du passé dans le présent, en particulier aux êtres, aux lieux et aux choses qui ont été abandonné·e·s ou sont oublié·e·s, invisibles / invisibilisé·e·s.

 

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Le silence des murs. Unquiet Space
Virginie Laganière

Réalisé à partir documents d’archives déclassifiées, de recherches scientifiques, d’observations sur le terrain, d’entrevues avec des chercheurs et d’une documentation photographique, vidéographique et sonore, Le silence des murs. Unquiet Space explore un bâtiment insolite situé en Suisse : une ancienne centrale nucléaire convertie en entrepôt accueillant les trésors culturels des plus grandes institutions muséales. Dissimulée sous une colline verdoyante, la caverne du réacteur a été définitivement scellée avec du béton à la suite d’un important accident radioactif en 1969. Après avoir été dénucléarisée, les installations modernistes de cette ancienne centrale transformée en dépôt de biens culturels nous convoquent aujourd’hui à un agencement hétérogène d’époques et de temporalités. Y sont abrités des archives, pièces de taxidermie, œuvres d’art, vestiges archéologiques, ethnologiques et géologiques vaudois, bien que certaines pièces proviennent d’origines extérieures à la Suisse.

De cette enquête artistique, des questions relatives au nucléaire rencontrent celles reliées à l’architecture et au patrimoine. En marge de l’histoire officielle liée à la centrale nucléaire de Lucens, nous découvrons des récits qui témoignent de dynamiques invisibles. Ils soulèvent notamment l’idée d’une stratégie nationale d’enfouissement (de déchets radioactifs et, au sens figuré, de secrets nationaux), la fragilité de la lignée humaine, des échelles de temps non humain et l’accumulation d’artéfacts culturels, dont certains sont soupçonnés d’avoir été acquis illégitimement dans le cadre de rapports coloniaux.

Suite à une exposition individuelle présentée du 12 avril au 8 juin 2024
à Occurrence, espace d’art et d’essai contemporains à Montréal, mon intention est de développer une nouvelle itération artistique de ce travail d’enquête en utilisant la forme du livre photographique. Le format du livre m’apparait propice à explorer l’absorption de l’attention et différentes formes de récit par l’image. Prenant appui sur l’immersion photographique à une échelle qui diffère de la modalité d’exposition, une trajectoire d’images évoquera la perte de repères, depuis le sol irradié de la colline à Lucens jusqu’aux espaces intérieurs de l’ancienne centrale nucléaire.

 

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Les lueurs
Steve Leroux

Je fais évoluer, depuis plusieurs d’années, une imagerie qui témoigne de l’environnement dans lequel j’évolue : les lieux que j’habite, les lieux qui m’habite, les promenades, les voyages, les êtres qui me sont chers, mon quotidien… J’accumule ces images, latentes, archivées, oubliées, accrochées au mur, en quête d’un nouveau sens. Ces petites choses, ces rituels de la vie quotidienne, ces moments anodins qui traversent mon regard, accrochent / décrochent mon attention, s’immiscent dans cette traversée, ce continuum d’images. Tout rassembler, circonscrire, donner un sens, créer un sens. Jouer de cette poésie intimiste où se chevauchent des réflexions sur mon rapport à la photographie, au temps, à la création, au travail, à l’enseignement, à la famille, à l’amour… Il y a aussi la lumière, cette matière photographique qui devient sujet, ravive et vivifie l’apparente lourdeur du monde. Et il y a la parentalité qui est présente depuis les débuts de ma pratique; en images ou hors champ. Elle est intimement liée à la création et se traduit dans le regard que je pose sur mon environnement. Un regard sensible, bienveillant, témoin de petits bonheurs et de peines, d’inquiétudes et de doutes. Ce corpus d’images invite à une narrativité éclatée, morcelée que je souhaite assembler sous la forme d’un livre photographique. 

 

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Ж
Érika Nimis

Ж (prononcez « jè »), c’est l’initiale du prénom diminutif de la grand-mère paternelle d’Érika Nimis : Женя (Génia), née Євгенія Шкель vers 1921 dans le nord de l’Ukraine, décédée en 1998, sans avoir jamais revu son pays d’origine.

Ce projet qui retrace en images et en mots la mémoire enfouie de Женя a permis à l’artiste de parcourir les pays où sa grand-mère a vécu, en quête de traces visuelles de son existence : la France et la maison familiale dans le village lorrain où elle est restée la plus grande partie de sa vie, l’Allemagne et le hameau de Thuringe où elle a été travailleuse forcée durant la seconde guerre mondiale, et enfin l’Ukraine et le village de Polésie où elle a vu le jour, et où vit toujours une partie de sa famille. Cette famille ukrainienne, Érika Nimis l’a rencontrée pour la première fois en septembre 2021, dans un temps suspendu entre la fin de la crise de la Covid-19 et le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie.

Ce projet tente de « réparer » le déracinement forcé de la grand-mère de l’artiste à l’aide d’images (les siennes, argentiques et numériques, mêlées aux archives familiales, lacunaires, et divers documents) et d’un texte, écrit par ses soins, qui accompagne ces images. L’idée est de réaliser un portrait qui restitue un peu de ce que Женя a vécu, pas forcément fidèle, mais qui respecte les silences de la disparue et la quête de sens de celle qui lui a survécu.