Il y a dans le travail respectif des artistes Guillaume Adjutor Provost, Vicky Sabourin et Alexandre Jeanson, un désir affirmé d’invention et de narration. On ne parle pas ici d’images manipulées ou numériquement modifiées, mais de sujets savamment construits, clamant haut et fort leur part de fiction. Ces oeuvres photographiques ont le potentiel de déformer la mémoire, de réinterpréter les codes et d’imaginer la réalité telle une histoire qui raconte son histoire.
Avec sa série photographique La marchandise absente, Guillaume Adjutor Provost livre une fabrication d’informations équivoques. Des objets rudimentaires ont été conçus pour parer et entourer des personnages féminins dont les identités, souvent partiellement masquées, deviennent secondaires. Ces modèles sont manifestement là pour être portraiturés, transformés par et pour le photographe. Du même coup, l’artiste et son discours s’effacent au profit d’une réalité trouble, offerte au spectateur comme une expérience sans balise.
Vicky Sabourin met aussi en scène des objets relativement triviaux et incarne elle-même des représentations féminines, entre autres inspirées par le personnage du Petit Chaperon rouge. Elle interroge et bouscule ainsi des images de la femme jalousement conservées par une mémoire collective, souvent sclérosée. Le tableau vivant et photographique Promenons-nous dans les bois évoque notamment une période charnière chez la fille qui atteint la puberté, se perdant dans des jeux de séduction qui ne sont plus inoffensifs et s’inventant une réconciliation avec le loup.
Quant aux mises en scène d’Alexandre Jeanson, elles sont éminemment spectaculaires. L’artiste organise espaces et modèles dans des images aux couleurs et clairs-obscurs profonds qui participent à créer des univers totalement oniriques. La surdose de maquillage et les costumes loufoques, créés de toutes pièces par l’artiste, contribuent également aux récits insolites. Les photographies de Chimères amènent pourtant une inquiétante familiarité, comme s’il s’agissait du simulacre insensé de notre existence contemporaine.
Les oeuvres de ces trois artistes émergents composent des mondes ludiques qui s’offrent comme tels, avec leurs rôles bien campés et leurs faux-semblants. Elles instaurent d’entrée de jeu un dialogue complice avec des spectateurs essentiels à ce plongeon dans l’espace du doute.