Pour cette huitième itération d’Assemblages, l’atelier annuel de création de maquettes de livres photo de VU, les deux artistes se partageront un espace où se jouent dans la durée différents processus d’écriture et mises en relation à partir d’images. Leurs recherches individuelles se déploieront autour d’une table et sur les murs, et l’espace partagé leur permettra de discuter de leurs processus de travail. Assemblages souhaite ainsi réfléchir à ce que permet l’échange entre artistes, et à la façon dont les photographies elles-mêmes se parlent, se contaminent, pour enfin trouver une voix bien à elles.
Assemblages est un projet imaginé à partir d’une idée d’Alexandre Berthier.
Image : Aurélie Painnecé, Vestiges, chambre 2, armoire. 2013
Namur
Izabelle Desroches
Grâce au financement de Première Ovation, de LOJIQ et d’un partenariat avec le Centre Culturel de Namur, j’ai eu l’opportunité de partir pour une résidence d’un mois en Belgique. Au cours de cette période, j’ai approfondi mon travail axé sur la poésie aléatoire et l’association d’images. Mon travail intègre souvent des archives familiales et des photographies d’inconnus que je trouve en sillonnant les brocantes et vides greniers depuis plusieurs années maintenant. On retrouve parfois au dos de ces images une phrase écrite, une date, un lieu… En tentant de donner un sens à ce que je vois et lis, j’interprète ces images et je m’imagine des scénarios. C’est dans cette posture de curiosité et d’interprétation que j’ai choisi de plonger le·a regardeur·euse.
Pendant ma résidence à Namur, j’ai développé un logiciel qui combine aléatoirement des phrases et des images pour créer un album photo commenté au hasard à partir d’images trouvées et d’enregistrements de personnes rencontrées autour de la ville. Les résultats de ces propositions, parfois drôles, inquiétantes, ou encore poétiques, explorent notre propension à créer des scénarios pour donner du sens à ce que nous percevons. Les propositions du logiciel mêlent plusieurs intimités : une première des personnes présentes sur les photos, puis celle des personnes interviewées.
Lors de la résidence assemblage à VU, je travaillerai avec la grande quantité de matière image et texte que j’ai accumulé durant mon séjour à Namur pour créer une maquette de livre. Le rapport à l’album de famille étant central dans la thématique et dans la présentation de mon travail, présenter sous forme publication est en continuité avec ma démarche. C’est par l’accumulation de propositions hasardeuses que le projet prend sens.
Vestiges (titre provisoire)
Aurélie Painnecé
Le projet de livre photographique VESTIGES présente la maison familiale des Painnecé, cultivateurs de la campagne parisienne, installée depuis 1830 dans ce corps de ferme, où cinq générations ont cohabité et se sont succédé. Ce lieu de pierre chargé d’histoire et resté « dans son jus » offrait un voyage dans le temps à qui en franchissait le seuil, chaque pièce témoignant d’une époque. En 2007, ma grand-mère paternelle est décédée, elle fut la dernière habitante de ce lieu. Au printemps 2013, la maison fut vendue, et dans l’urgence de sa disparition, j’ai minutieusement inventorié la demeure lors d’une résidence de quinze jours, sans savoir ce que je ferais de ces innombrables prises de vue. Dix ans plus tard, alors que j’entame ma vingtième année au Québec, je tente une relecture de l’histoire familiale et revisite ma culture d’origine à travers cette demeure.
Avec VESTIGES, je m’attarde à la façon dont l’absence humaine habite le lieu, à la lumière naturelle traversant les espaces et à ce qu’elle laisse dans l’obscurité. Je m’intéresse aux marques du temps laissées sur les surfaces, aux documents d’archives, à la mémoire, aux photographies vernaculaires, aux souvenirs, au silence, au vide. J’explore la notion d’entropie et je réinterroge l’origine étymologique du mot image : masques mortuaires à l’effigie des morts, enveloppe transparente et légère présentant une absence (Lavaud, 1999). Je rends hommage à mes ancêtres, dont les visages peuplent quelques fonds de tiroir et dont je ne sais que très peu de choses, mais qui, de par leurs vies passées à travailler la terre, m’ont permis aujourd’hui de me questionner sur ma lignée et d’avoir le privilège de prendre ce temps pour faire de la recherche artistique.