Texte : Jean-Michel Quirion / Images : Geneviève Chevalier

 

 

Geneviève Chevalier est une artiste qui prend à la fois la posture d’une naturaliste et d’une muséologue afin de prospecter les limites de la documentation empirique. Située à la croisée de l’histoire culturelle et des sciences naturelles, la pratique photographique et vidéographique de Chevalier interroge la conception du vivant héritée de la modernité : une biodiversité (sur-)exploitée, décontextualisée et dénaturée de surcroît.

 

D’après ses explorations dans les collections muséales d’histoire culturelle-naturelle et ses investigations de sites patrimoniaux, à travers une perspective éco-géo-historico-socio-politique, l’artiste balise visuellement sa fascination pour la manipulation du vivant — animal et végétal. Cette approche contextuelle permet à Chevalier de recenser, parmi des vestiges issus de ménageries, de jardins et de réserves de musées, des indices de conditions aclimatiques et de perturbations écologiques marquées par le colonialisme et les classes dirigeantes depuis le XVIIe siècle.

 

Le plus récent projet de Chevalier, Mirement/Towering : La Ménagerie et L’Herbier, montre des mondes naturels dé-re-construits et met en lumière des modes d’appréhension et de conception de ceux-ci. Exposant des lieux historiques à vocation zoologique ou botanique, ce corpus réactualise les traces corporelles d’espèces menacées — ou disparues — et divers papiers sur lesquels des spécimens de plantes ont été conservés avec délicatesse.

 

Associer l’artificiel et le naturel par des gestes à portée documentaire soulève des questions sur notre rapport à la biodiversité, à sa dégradation, à sa transformation, à son adaptation souvent imperceptible, en éclairant les impacts anthropiques non négligeables que nous infligeons à notre environnement. Rappelons que l’intégration du vivant dans le bâti était autrefois une tendance ou une réaction au désir d’exhiber la faune et la flore pour montrer l’ampleur de sa richesse. Nous importions notamment des colonies d’oiseaux que nous avions d’abord extirpées à leur milieu, ou nous implantions chez soi des végétaux exotiques pour le plaisir. Les collections et sites auscultés par Geneviève Chevalier attestent qu’aujourd’hui nous protégeons ce que nous détruisons simultanément.

 

 



 


  1. Image ci-haut : « La ménagerie/Pendley Manor », photographie numérique, 2021

 

  1. « La ménagerie », image vidéo, 2021

 

 

  1. « La ménagerie/Packwood House », photographie numérique, 2021

 

 

  1. Vue de l’exposition « Mirement / La ménagerie, L’herbier », Dazibao, 2021
    Crédit photo : Dazibao (Marilou Crispin)

 

 

  1. Vue de l’exposition « Mirement / La ménagerie, L’herbier », Dazibao, 2021
    Crédit photo : Dazibao (Marilou Crispin)

 

 

  1. « La ménagerie/Queen’s House », photographie numérique, 2021

 

 

  1. « L’herbier », image générée par ordinateur, 2020-2021

 

 

  1. « L’herbier », image générée par ordinateur, 2020-2021

 

 

  1. « L’herbier », image générée par ordinateur, 2020-2021

 

 

  1. « L’herbier », image de production, 2019

 

 

Geneviève Chevalier is an artist who sometimes takes on the role of naturalist or museologist in order to explore the limits of empirical documentation. Situated at the crossroads of cultural history and the natural sciences, Chevalier’s photo and video practice questions our way of seeing the living world, a way of seeing inherited from modernity according to which biodiversity is overexploited, decontextualized, and even denatured.

 

Through her explorations of heritage sites and natural/cultural museum collections, Chevalier adopts an eco-geo-historico-socio-political approach, visually demarcating her fascination for humankind’s modification of the living world, be it animal or vegetable. This contextual approach leads Chevalier to scour museum storerooms, animal collections, and gardens for vestiges of the aclimatic conditions and ecological disruptions caused by colonialism and classism since the seventeenth century.

 

Chevalier’s most recent project, Mirement/Towering: La Ménagerie et L’Herbier, provides us with a window onto de-re-constructed natural worlds while also shedding light on how we perceive and understand them. With a focus on zoologically and botanically oriented historical sites, this body of work showcases the bodily traces of endangered and extinct species, as well as the various paper mediums on which certain plant specimens are conserved.

 

Chevalier makes connections between artifice and nature through documentary acts, and in so doing raises questions about our relationship to biodiversity, its deterioration, its transformation, and its often imperceptible adaptiveness, while also highlighting the significant anthropogenic impact we have on our environment. We can’t forget that the use of living things in architecture was once in vogue, perhaps because exhibiting fauna and flora was a convenient way of showing off one’s wealth. Entire bird populations were taken out of their natural habitat to be exported/imported, and exotic plants suffered much the same fate, all for the pleasure of the rich. As such, the collections and sites explored by Chevalier attest to our problematic tendency to simultaneously protect and destroy.

 

 

 

 

Jean-Michel Quirion est directeur du centre d’artistes AXENÉO7 situé à Gatineau. Titulaire d’une maîtrise en muséologie de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), il est actuellement candidat au doctorat en muséologie à cette même université. En tant qu’auteur, il contribue régulièrement à des revues spécialisées comme Ciel variable, ESPACE art actuel, esse art + opinions, Inter art actuel ainsi que Vie des arts. Ses projets de commissariat récents ont été montrés à la Galerie UQO (2018) et au centre d’exposition L’Imagier (2020) à Gatineau et à la Galerie Laroche / Joncas (2019) à Montréal. Entre 2021 et 2023, il organisera des expositions à AXENÉO7, à la Carleton University Art Gallery (CUAG) à Ottawa et à la Galerie d’art Desjardins (GAD) à Drummondville. Quirion s’investit également depuis 2016 au sein du groupe de recherche et réflexion CIÉCO : Collections et impératif évènementiel / The Convulsive Collections.

 

Jean-Michel Quirion is director of AXENÉO7, an artist-run centre in Gatineau. Quirion holds an MA in museology from Université du Québec en Outaouais (UQO), where he is currently a doctoral candidate in museology. His articles are regularly published in journals such as Ciel variable, ESPACE art actuel, esse, Inter art actuel, and Vie des arts. His curatorial projects have been shown at Galerie UQO (2018) and at L’Imagier exhibition centre (2020) in Gatineau, as well as at Galerie Laroche/Joncas (2019) in Montréal. From 2021 to 2023 he will be curating exhibitions at AXENÉO7, at the Carleton University Art Gallery (CUAG) in Ottawa, and at Galerie d’art Desjardins (GAD) in Drummondville. Since 2016, Quirion has been active in the research/focus group CIÉCO (Collections et impératif événementiel/The Convulsive Collections).

 

 

Éclaireurs reçoit le soutien financier de l’Entente de développement culturel entre la Ville de Québec et le ministère de la Culture et des Communications.

 

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