Texte pour l’exposition Soustractions de Richard Deschênes
Habitué du travail en série et des matériaux trouvés, Richard Deschênes explore, avec Soustractions, les conditions de fabrication et de perception de l’image. Par un processus méthodique et artisanal, l’artiste recouvre le sujet de photos issues de journaux avec les découpures de leurs exemplaires qu’il a préalablement accumulés. Deschênes élabore, de cette façon, une technique de « décontamination », qui se situe à la frontière de la courtepointe et de Photoshop, évoquant aussi l’assemblage d’un casse-tête infernal. Ce collage minutieux, souvent imperceptible, pixellise l’image, dont il dévoile la richesse et la complexité des camaïeux et des jeux de clair-obscur. La matière non noble s’allie ainsi à la procédure manuelle soignée pour créer un effet paradoxal d’absence et de proximité.
Vidée d’une présence et saturée par son arrière-plan, l’image devient le support singulier d’une non-représentation. Toutefois, cette négation ne signe pas la fin de la représentation. En fait, la disparition libère l’image de ses fonctions informatives et en exalte la portée narrative. Deschênes porte, à ce propos, une attention spécifique à la mise en espace de ses œuvres de manière à multiplier les possibilités discursives. Cet intérêt pour la médiation de l’image se réalise aussi au cœur de la tension constante entre l’information effacée et l’interprétation sensible.
Les images et la matière ont leurs histoires propres, qui s’entremêlent aux projections du spectateur. Les univers désincarnés se muent en espaces intimes telles les évocations fantomatiques des décors du cours de nos vies. Pourtant, malgré nos attentes, l’image reconstituée manifeste avant tout le spectre de sa propre existence.