Texte pour l’exposition Fading de Elis Hoffman.

 

On voit l’arme, la plaie, l’œil clos. On ne voit pas la marche silencieuse qui s’avance sur le pays, la main diaphane qui patiemment délave les herbes, abaisse les paupières. Non plus les lames de fond qui sourdement opèrent en deçà des identités qu’elles chavirent et transfigurent. En chaque être, en chaque lieu, rôde un silence. Par échos visuels, des broussailles aux corps malades, Elis Hoffman relève en l’enveloppant ce noyau commun, qui va subrepticement gagner la surface. On perçoit alors les saillies, les dernières exhalaisons, la vie qui se retire vers l’intérieur. Puis une poésie souterraine qui d’une tendre et lente attention aux choses remonte jusqu’au cœur. C’est ce même silence qui scelle les images, les arrache aux bavardages et aux bruissements du monde, qui les presse doucement sur le plan étale du papier photo pour en extraire les jus. Elles ne tiennent pas à grand-chose, ces images, tout près du basculement, de l’évaporation. Un rien les ferait détaler. Et pourtant, en chacune, les secondes s’étirent, une pierre respire. Le principe d’effacement qui balaie Fading n’évide en rien les images, pas plus qu’il ne les affaiblit. Les formes qui se meurent, on le constate, réinventent, ruminent jusqu’au bout leurs visages et leur poids. Même la mort fait tache. Les photographies d’Elis Hoffman sont ainsi inversement proportionnelles au déclin des choses : s’il y a saignée, elles s’abreuvent. Si le voile s’abîme, se déchire, patiemment, elles se gorgent de lumière.

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