Texte : Anick Arsenault / Images : Kassandra Reynolds
(Traduction du texte en anglais plus bas)
Assez d’espace à l’intérieur
Été 2020 à Montréal. Quartier Hochelaga-Maisonneuve. Beaucoup de circulation sur la rue Notre-Dame. Des automobiles. Des moteurs. Du bruit. Du mouvement. Peu d’arbres. Un coin de pelouse. Quelques tentes apparaissent : campement improvisé pour gens devenus sans-abris.
Combien de couvertures pour couper l’humidité? Comment réchauffer les vêtements qui ne sèchent pas? Comment atténuer le bruit incessant des voitures? Combien de carton faut-il pour adoucir les aspérités du sol? Comment contrôler les écureuils, les marmottes, les moufettes? Comment dormir près des lampadaires? Où trouver la couleur dans la grisaille? Comment faire place à la délicatesse malgré la rudesse? Comment nourrir son corps et son esprit? Quelles sont les attaches disponibles? Comment communiquer avec les proches? Comment respirer quand on a la tête à la hauteur des pots d’échappement? Comment s’accrocher et à quoi?
Gérer le feu. L’eau. La lumière. La toilette. Les déchets. L’énergie. Les envies d’évasion. La faim. La libido. Le froid qui s’installe. La neige qui arrive. On coupe des branches. On aménage le calme. On socialise. Partage. Tout roule. Un petit village s’organise. Il y a un magasin, un coiffeur, une douche extérieure. Des services rendus. Des cœurs qui s’ouvrent. Et des gens de tous horizons. Certains se retrouvent à la rue pour la première fois à cause de cette crise du logement.
Kassandra Reynolds est sensible aux problématiques liées à l’itinérance. Avec son projet photographique Super Caddie, elle a d’ailleurs abordé ce sujet; à New York, elle s’est intéressée aux vies qui voyagent dans un panier d’épicerie. Elle aime cueillir des histoires qui restent dans l’ombre. Rencontrer des gens. Les mettre ensuite en pleine lumière. Avec bienveillance.
Elle arrive au campement Notre-Dame. On lui offre un sac de couchage, des vêtements, une tente. On lui offre du temps, qu’elle accepte. Pour construire la relation avec des campeurs, avec douceur, avec respect. Échanger, vivre ensemble, observer l’évolution du campement et ses habitants. Elle prend son temps, y retourne plusieurs fois.
Habiter l’espace. Se créer un nouveau chez-soi. Former une communauté. S’entraider. Sans jugement. Puis il y a un feu dans une tente. Démantèlement brusque du campement Notre-Dame. Campeurs dispersés aux quatre vents, dans la morsure de décembre.
Anick Arsenault explore par la poésie les thèmes de la résistance, la féminité, l’intime, l’altérité. Elle a publié six livres dont Habitantes aux éditions de l’Écrou en août 2021. Elle aime collaborer avec des artistes de différentes disciplines, particulièrement pour des projets liant photographies et poèmes. Elle travaille à la bibliothèque du Cégep de Matane.
Enough Room Inside
Summer 2020, Montréal. The Hochelaga-Maisonneuve neighbourhood. Lots of traffic on Notre-Dame. Cars. Motors. Noise. Movement. Not many trees. A little patch of grass. A few tents appear: an ad hoc encampment for many of Montréal’s homeless.
How many blankets does it take to cut the humidity? How do you warm up clothes that won’t dry? How do you block out the unending noise of traffic? How much cardboard to make a good mattress? How do you fend off the squirrels, the groundhogs, the skunks? How do you get to sleep under the glare of streetlamps? How do you find a bit of colour in the sea of grey? How do you make a place for kindness in these harsh surroundings? How do you feed your body and mind? How do you not feel completely lost? How do you stay in touch with friends and family? How do you breathe when the air around you is full of exhaust? How do you find the strength to hold on? And what is there to hold on to?
Tending the fire. Water. Light. Bathing. Garbage. Energy. The need to escape. Hunger. Desires. Cold weather. Snow coming. We cut down branches. We create calm. We socialize. We share. Everything falls into place. A village is born. There’s a general store, a barber, an outdoor shower. Services are provided. Hearts are opened. There are people from every walk of life. For some, this housing crisis has forced them into homelessness for the first time.
Kassandra Reynolds is sensitive to the problems of being homeless. With her photo project Super Caddie, she explored homelessness in New York through lives lived in shopping carts. She gathers stories in the shadows. Meets people. Sheds light. With compassion.
She arrives at the Notre-Dame encampment. Is offered a sleeping bag, clothes, a tent. Is offered time. She accepts. To build a relationship with the residents with kindness, with respect. Talking, living together, observing the evolution of the encampment and its inhabitants. She takes her time, comes back to visit again and again.
Living in a place. Making a home. Forming a community. Helping each other out. Without judging. But then, a fire in a tent. The sudden dispersal of the encampment. The residents scattered to the four icy winds of December.