Texte pour l’exposition Shade and Shelter de Jonas St.Michael.
Être là devant ce qu’on ne nous donne pas à voir; faire irruption dans la scène qui se déploie, sans rythme, comme si une pause s’était amorcée.
Ce sont les couleurs du silence, celles auxquelles on pense après la pluie et qui nous laissent sans voix. Ou alors, c’est plutôt l’arrêt, ce fragment de temps qui nous sépare d’un détournement éventuel. Cet espace temporel où l’on est invisible à l’autre, où l’idée seule de notre présence ne s’est pas encore manifestée.
Et ce sont ces regards qui frappent, perdus dans un infini qui transcende l’image. On voudrait percer ce mystère, fouler l’espace pour cerner ce néant et empêcher qu’il ne s’affaisse. Mais toujours des ombres longues, des traces au sol ou bien un sentiment d’absence imprégné dans chaque pièce nous ramènent vers une déréliction envahissante, une impression de solitude spirituelle.
L’exil des regards nous confronte à la distance et fait de chacun de nos pas une intrusion plus profonde. Un questionnement subsiste : notre présence est-elle de mise?
Ne reste donc plus, derrière ces visages et ces scènes, que le triomphe d’une nuit morale, la réprobation obligatoire des certitudes et le confinement à l’inquiétude. Se trame alors le tableau d’une errance aliénée, à mi-chemin entre le rêve et la perdition. L’immensité du vide se ressent, l’âme des sujets se déploie dure et lancinante, mais aussi pleine d’humanité.
Sans trop se questionner sur l’état de ces personnages presque éteints, on perçoit l’abandon : c’est le portrait de l’inertie.