Texte pour l’exposition Love and War de Guillaume Simoneau.
Le regard remarque d’abord cette jeune femme d’une singulière beauté qui prend la pose dans plusieurs photographies, puis il reconnaît son visage ailleurs, à travers la trame pixellisée d’un écran. Des portraits d’elle se déploient selon divers degrés de distance allant de l’intime au lointain. Ici, la proximité languissante d’un nu au bain – un noir et blanc au flou subjectif – teinté du regard amoureux du photographe, ailleurs, l’éloignement de la prise de vue d’une photo accentué par l’écran d’un ordinateur interposé entre l’appareil photo et la jeune femme, une arme à la main, installée dans la tourelle d’un engin militaire et affichant un sourire hardi.
Chroniques photographiques d’un amour intermittent, la série Love and War réunit des fragments épars d’une histoire passée au crible de la rétrospection. À la fois au cœur et à la périphérie des sentiments, les photographies tracent une narration brisée, un récit ponctué de mises en distance et de moments d’intimité. Des mots, aussi, viennent émailler la narration visuelle morcelée : les mots de messages textes sur l’écran d’un téléphone portable, d’un courriel imprimé sur une feuille de papier longtemps manipulée, de même que ceux d’une déclaration d’amour manuscrite, écrite à même la page de garde jaunie d’un livre.
Photographiés, ces mots participent à la complexification du récit; ils donnent des indices de compréhension tout en témoignant de l’ambiguïté des sentiments amoureux fluctuant selon le proche et le lointain. Ces fluctuations amoureuses sont également évoquées par des photographies empreintes de poésie quotidienne, aux marges du récit. Une sauterelle à cheval sur les pétales d’une rose, une butte de glace au sol d’un bâtiment désaffecté, une forêt envahie de plantes grimpantes, ou encore, un globe terrestre percé voisinant une orchidée sur le dessus d’une grande commode de bois sont autant de scènes qui enrichissent la romance d’une ampleur à la fois évocatrice et insaisissable.