Texte pour l’exposition Apparitions futuristes : en aval des couches et du suprême de Charles Fleury.
À nouveau, le désordre a envahi le salon blanc. Étiez-vous de la séance hier soir? C’était quasi festif; il en reste des débris sur le plancher.
La bande se réunit chaque quatrième jeudi du mois et planifie ses prochains coups. On y accorde les tours de parole suivant une hiérarchie obscure (à la façon du positionnement des images aux murs).
En début de rencontre, j’ai remarqué que tous les visages s’immobilisent quelques minutes. La bouche entrouverte, les participants contemplent le vide. On m’a dit qu’ils visualisent leur EMPRISE SUPRÊME sur la populace. Certains grincent des dents, d’autres râlent faiblement en respirant.
Autour d’eux, les portraits d’éminents membres de leur société décorent l’espace. Chaque mise en scène photographique présente bien plus qu’un personnage, elle transmet, en quelque sorte, son aura spirituelle, son POUVOIR INTÉRIEUR. La représentation aplanie parle, à la fois, des rêves éveillés et des secrets enfouis. L’œil averti détectera les multiples couches de manipulations complexes : découpage, trucage, mirage et maquillage.
Tout homme accompli mérite un tel hommage; une sculpture du visage suivie d’un portrait-photo. Les responsables du comité conservent toutes les têtes de cire dans des sacs de plastique (sans acide) et les remisent dans une voûte à atmosphère contrôlée, creusée sous la salle de réunion. Le rituel se perpétue depuis de nombreuses années.
Hélas, certains ne se qualifieront jamais. L’autre jour, l’un des membres de la clique a été forcé de quitter l’arène. Les autres trouvaient qu’il n’employait pas les bons mots. Un fauteuil chaud se libère : le caucus réfléchit à la suite. Ils ont convié un illusionniste pour détourner l’attention.